Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1846 > Juin > 29

29 juin 1846

29 juin [1846], lundi matin, 8 h. ½

Bonjour mon aimé, bonjour mon adoré, bonjour mon Victor de mon âme. Bonjour, comment vas-tu ce matin, mon pauvre amour ? Bien fatigué certainement, puisque tu as dû passer une grande partie de la nuit à travailler. C’est ton lot à toi de travailler sans relâche pour tout le monde. Quelle vie que la tienne, mon bien-aimé, quel dévouement et quelle abnégation pour tous. Les mots me manquent pour te dire mon admiration et ma reconnaissance. Je ne sais que t’aimer, t’aimer et toujours t’aimer. Je voudrais à mon tour te donner ma vie et mon sang. C’est l’ambition et le rêve de tous les jours. Malheureusement il est peu probable que l’occasion se présente jamais pour moi si petite et toi si grand ! En attendant je remplace le dévouement par le culte, les actions par une adoration continue. Je t’aime à genoux.
Il n’y avait pas longtemps que je m’étais endormie quand tu es venu cette nuit, mon Victor chéri, et je l’ai bien regretté car la crainte de me réveiller tout à fait est cause que tu t’es en allé tout de suite. Il aurait mieux valu que je n’éteigne pas ma bougie et que je résiste aux premières provocations du sommeil au lieu d’y céder. Mais je craignais que tu ne puisses pas venir et mes yeux étaient fatigués, ce qui fait que je me suis endormie comme une bête. Une autre fois j’aurai une meilleure inspiration et je ne me lasserai pas d’attendre avec confiance. Cela me sera plus doux de toute façon puisque je te verrai plus longtemps. Je te baise, je t’adore, je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16363, f. 187-188
Transcription de Marion Andrieux assistée de Florence Naugrette


29 juin [1846], lundi soir, 5 h. ¾

Où es-tu, mon pauvre adoré ? Pourvu que tu trouves une voiture à point et qui t’empêche de recevoir cette pluie fine et pressée. Cher adoré, je voudrais te faire une égide de mon amour pour te garantir de toutes les mauvaises choses, car tu es plus que jamais ma vie. As-tu parlé à la Chambre aujourd’hui ? Si cela est, tu dois être fatigué et peut-être serait-il prudent à toi de venir tout de suite changer de linge chez moi avant d’aller au Moniteur. Je t’attends avec une tendre et inquiète impatience. Je trouve le temps bien long, la distance bien grande et la pluie bien inopportune dans ce moment-ci. Tâche de venir bien vite me rassurer, mon amour, et surtout préserve-toi de tout refroidissement.
J’ai remis à Mme Lanvin les différents petits objets que ma pauvre chère enfant destinait à ses deux sœurs. J’y ai joint le petit crayon en or pour le frère et à chacun d’eux j’ai écrit une petite lettre, afin que le souvenir en fût moins fugitif et moins vite perdu [1]. Quant à M. Pradier, je ne sais pas encore ce qu’il fera pour satisfaire sa pauvre fille. Jusqu’à présent il paraît persister dans sa première résolution. Nous verrons si les difficultés qui surgissent ne le feront pas changer d’idée.
Cher adoré, je reviens à toi pour te dire que tu es toujours et de plus en plus mon amour charmant et adorable, que je te trouve beau autant que tu es bon, grand, noble, sublime et divin, que je baise tes pieds avec respect et ta bouche avec désir.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16363, f. 189-190
Transcription de Marion Andrieux assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Les enfants légitimes de Pradier, demi-sœurs et demi-frère de Claire, sont Charlotte (1834), Thérèse (1839) et John (1836).

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne