Jersey, 23 octobre 1854, lundi après midi, 2h.
Je ne sais à quelle fumée entendre, mon cher petit homme, avec les cheminées à feu ou sans feu, ouvertes ou fermées ; toutes sont également asphyxiantesa pour le moment. Heureusement qu’il fait toujours clair dans mon cœur car sans cela je pourrais très bien prendre quelque stupide grognerie pour une aimable tendresse. Heureusement encore, je ne coursb pas ce danger même en prenant au hasard et à l’aveuglette dans mon amour. Seulement, il m’est difficile de ne pas y mêler la prière que je fais tous les jours de venir un peu plus tôt et de t’en aller beaucoup plus tard comme si cela dépendait absolument de toi. Mais enfin il faut bien que tu me supportes avec mes tics… amoureux puisque je ne saurais m’en guérir. À propos de guérir Mme Barbier va mieux et son mari m’a fait dire qu’il viendrait me voir un de ces jours. La citoyenne Guay est venue me prier de te demander si tu voulais tes pantouflesc fourrées et de quelle fourrure ? (ilsd n’ont que du poil de lapin) Je lui ai promis de faire sa commission, tu verras ce que tu préfères. D’ici là je vais marquer tes chaussettes (sans reproche), mais non sans peur que tu me gardes rancune de ma sortie absurde de l’autre jour. D’ailleurs vous n’êtes pas en reste de mauvaiseté envers moi et comme j’ai eu la générosité de vous pardonner je ne vous reconnais pas le droit d’être plus féroce que moi, à preuve que je vous baise par lettres patentes.
Juju
BnF, Mss, NAF 16375, f. 351-352
Transcription de Chantal Brière
a) « asphixiantes ».
b) « courre ».
c) « pantouffles ».
d) « il ».