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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Jersey, 24 août 1854, jeudi après midi, 3 h.

Je vous attends sur mon bâton, mon cher petit Toto, sans oser en bouger car j’ai oublié de vous dire hier qu’il faudrait que j’aille à la ville pour du papier, de l’encre et différentes choses personnelles pour moi tout aussi pressantes. Dans la crainte que vous n’ayez l’inspiration contrariante de venir pendant mon absence je reste chez moi avec sérinité. Cela me permet de voir passer les pinsons [1] plus ou moins apocryphes de la vieille Angleterre et de regarder d’où vient le vent. Je me suis aperçue ce matin que j’avais oublié de te faire baigner les yeux, ce dont j’ai été bien fâchée. Il est probable que ma colère ridicule et impuissante contre les plumitifs d’Espagne et de Jersey m’aura distraite de mon doux devoir au moment où tu sortais. Raison de plus pour moi de leur en vouloir encore davantage, ce dont je ne me priverai pas, je te prie de le croire et quoi que tu en dises. Cher petit bien-aimé, je te fais penser de nouveau qu’il faut que tu me donnes de la copire afin que je ne perde pas un instant et que je puisse avoir le plaisir de faire toute cette adorable besogne à moi toute seule, si c’est possible. En attendant, je te laisse plus que jamais libre d’arranger l’excursion de Serk comme tu pourras et comme tu voudras car je ne veux en aucune façon te gêner dans tes plaisirs ou t’embarrasser dans tes travaux et puis, comme tu me l’as fait remarquera hier, il est prudent de ne pas attendre le mauvais temps pour visiter cette petite île ; ainsi il faut te hâter et saisir le premier beau jour qui se présentera pour exécuter ton projet [2]. Jusque là, mon cher petit homme, je me résigne à tout ce qui te plaira, prête à me réjouir si tu m’emmènesb, tâchant de prendre mon courage à deux mains si tu es forcé de me laisser ici : dans l’un et l’autre cas ce ne sera pas l’amour qui me fera faute car je t’aime plus que tu n’en pourrais supporter.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16375, f. 267-268
Transcription de Chantal Brière

a) « remarqué ».
b) « m’emmène ».

Notes

[1Jeu de mots problable sur le nom d’Albert Pinson, jeune militaire anglais qui fréquente Marine-Terrace pendant l’été 1854, et dont la fille de Victor Hugo, Adèle, s’amourache pour son plus grand malheur.

[2Cette excursion aura lieu le 28 août.

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