19 septembre [1846], samedi soir, 10 h. ¼
Comment, je n’aurai pas le plus petit Caudebec à mettre dans mon bec cette année [1], mon Toto ? C’était bien la peine de venir me le mettre à la bouche hier alors, vilain méchant. Cependant il me semble que ce serait possible et pas trop dispendieux si vous ne vouliez emmener que moi. Il est vrai que ce pauvre petit Toto deux [2] ne serait pas content mais je ne suis pas payée pour prendre ses intérêts, chacun pour soi et le chemin de fer pour tous... ceux qui en veulent. J’ai bien envie de m’emparer de la grenouille [3] ce soir et de partir devant. Je serai sûre comme cela que vous viendrez la rechercher où je serai. Cette idée n’est pas à dédaigner et j’y vais songer à loisir tout à l’heure. Vous savez, mon cher petit homme, que les samedis sont des jours de grand sabbata chez moi et exclusivement réservés pour les lessivages de tous genres ? Aussi ai-je tout fourbi aujourd’hui de fond en comble jusqu’à moi-même. J’aurais voulu être prête pour le moment où vous êtes venu mais cela ne m’a pas été possible avec tous les dérangements que j’ai eusb toute la journée. Demain ce sera bien différent car je serai sous les armes de très bonne heure. Et puis je copierai ce que je n’ai pas pu faire aujourd’hui parce que je savais que tu n’en n’avais pas besoin tout de suite de ta copie. Il y a un mot qui m’arrête, le seul que j’aie remarqué dans tout le manuscrit, que j’ai lu et relu trois fois. Je te le demanderai tout à l’heure quand tu viendras. D’ici là, je pense à vous, je vous attends, je vous désire, je vous aime et je vous baise de toutes mes forces.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16364, f. 139-140
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette
a) « sabat ».
b) « eu ».