15 septembre [1846], mardi après-midi, 3 h. ¼
Je vais toujours de mieux en mieux, mon adoré et mon régime me réussit on ne peut mieux. Aussi je vais écrire tout à l’heure au Père Triger de ne pas se déranger demain. Il est inutile de lui laisser faire une visite sans objet. J’aime mieux garder les 3 F. qu’elle m’aurait coûtésa pour faire une petite ribotte [1] avec vous. Je ne suis pas si bête comme vous voyez, et pour vous le prouver encore mieux, je vous dirai que je n’ai pas été la dupe de votre visite ce matin, laquelle avait été précédée de la triboulette [2] qui était venue voir si vous y étiez. Je n’en serai pas davantage, dupe, quand vous viendrez tantôt au moment juste où elle arrivera. Du reste je ne vous fais pas mon compliment de cette conquête trop facile et Louise pourra vous dire ce qu’elle en a pensé avant de savoir que c’était l’épouse légitime du Sieur Triboulet. Cependant, comme il n’est pas juste que je me laisse mystifier à mon nez et à ma… coiffe, je vous ficherai des bons coups.
8 h. ½
Cher, cher adoré, merci et amour à toi. Rien n’est comparable à ce que je sens d’admiration et d’adoration en pensant à toi, mon beau et doux bien-aimé. C’est plus que ces deux choses à la fois, c’est mon âme et ma vie fondues dans une seule pensée : ton amour. Quelle douce promenade, mon adoré, et combien j’aurais voulu la prolonger indéfiniment. Chaque fois que je te quitte, même pour quelques heures, mon cœur se serre comme si je ne devais plus te revoir. Voilà bientôt quatorze ans que c’est ainsi. Je ne suis pas plus blasée sur le bonheur de te voir que sur le chagrin de te quitter. C’est encore comme le premier jour et ce sera toujours ainsi jusqu’à la mort.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16364, f. 131-132
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette
a) « coûtée ».