6 septembre [1846], dimanche matin, 7 h. ½
Bonjour mon pauvre bien-aimé, bonjour, comment va ton fils, comment a-t-il passé la nuit ? Comment est-il ce matin et comment êtes-vous toute, pauvre chère famille éprouvée ? J’ai le cœur plein de pitié pour vous tous mes pauvres bien-aimés. Ma pensée, mon cœur, mon âme se font prière pour obtenir du bon Dieu la santé de votre enfant béni.
Cher petit homme, voilà un orage qui va bien soulager ton pauvre malade. Je voudrais qu’il plût à torrent afin que l’air fût tout de suite dégagé et rafraîchia. Mon Dieu, pourvu que Joséphine m’apporte de bonnes nouvelles. J’avais presque envie tout à l’heure d’aller m’informer de la nuit auprès de ton portier. Pour une fois cela n’aurait pas eu d’inconvénient il me semble ? Je me serais donnée comme la mère d’un camarade de collège demeurant dans le quartier [1]. Je n’ai pas osé le faire dans la crainte de te déplaire. Il me faudra donc attendre jusqu’à 11 h. pour savoir ce qui m’intéresse le plus au monde, c’est-à-dire comment votre cher enfant a passé la nuit. C’est bien long, bien triste et bien insupportable. Pourvu encore que Joséphine m’apporte de bonnes nouvelles bien rassurantes, je bénirai le bon Dieu et je ne me souviendrai plus de mes quatre heures d’angoisses. Ô je t’aime mon Victor, ô je te plains, je te bénis et je t‘aime.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16364, f. 109-110
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette
a) « raffraichi ».
6 septembre [1846], dimanche après-midi, 3 h.
Je sais que ton pauvre Charlot a passé une assez bonne nuit, mon adoré, et qu’il est bien calme aujourd’hui. Cette nouvelle m’a réjoui le cœur pour vous tous pauvres père, mère, frère et sœur. Je comprends si bien votre affreuse inquiétude depuis quinze jours et je m’associe de toute la force de mon amour à tous vos chagrins qu’il m’est bien permis je crois de partager votre joie ? C’est ce que je fais dans ce moment en remerciant Dieu de tout mon cœur.
Pauvre Toto, pauvre être dévoué et adoré, à quelle heure t’es-tu couché cette nuit ? Je voudrais savoir que tu reposes encore dans ce moment pour ne pas trouver le temps mortellement long et ennuyeuxa en t’attendant. Cependant j’ai de la patience et du courage depuis que je sais que ton Charlot va mieux. Avant cela j’étais comme une pauvre damnée. Pour comble de tourment Joséphine n’est venue qu’à près de midi à cause de la grand’ messe à laquelle je n’avais pas pensé. Enfin Dieu merci la bonne, l’heureuse, la sainte nouvelle est arrivée. Je n’ai plus le droit de me plaindre, de m’impatienter et de m’irriter. Je suis heureuse de votre bonheur, j’ai le cœur plein de reconnaissance envers le bon Dieu et d’amour pour toi, mon divin bien-aimé.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16364, f. 111-112
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette
a) « ennuieux ».