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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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4 novembre [1846], mercredi matin 9 h.

Bonjour, mon Toto, bonjour, mon pauvre petit bien-aimé, bonjour je t’aime. J’ai le cœur tout gros ce matin en pensant à ton voyage [1]. Pourvu qu’il ne t’arrive rien et qu’on ne [te] retienne pas plus longtemps que tu ne crois. Je vais vivre dans cette anxiété-là tout le temps de ton absence. Tu vois que ce ne sera pas pour me faire trouver le temps moins long ni moins ennuyeux. J’espère que tu ne partiras pas sans venir m’embrasser, j’en suis sûre même car je sais combien tu es bon, et tu sais, toi, qu’il n’y a qu’un baiser de toi et la promesse de ton prompt retour qui puissent me donner la patience et le courage de t’attendre.
Si tu le permets, mon Victor, je profiterai du beau temps et de ton absence pour faire une visite au curé. Cette visite est devenue pressante à cause de toutes les bontés dont il n’a cessé de me donner des preuves dans cette douloureuse circonstance. Si tu le penses comme moi j’irai tantôt ou demain si tu l’aimes mieux.
Cher adoré, mon Victor bien-aimé, sois prudent, ne te penche pas hors des wagons comme tu fais toujours et ne regardez pas les jambes des… faumes qui montent et qui descendent et encore moins leur nez si vous ne voulez pas que votre absence ne soit encore plus pénible qu’elle ne me l’est déjà. Je vous en supplie,

Juliette

MVH, α 7812
Transcription de Nicole Savy


4 novembre [1846], mercredi soir 9 h. ½

J’espère que tu es arrivé à Orléans sans encombre d’aucune sorte, mon doux bien-aimé, et que rien ne s’opposera à ce que tu tiennes ta parole demain de dix heures à midi. J’y compte plus que je ne puis dire et je me fais du courage et de la patience avec cette douce pensée.
Mon adoré, je suis allée pour voir M. le curé ainsi que j’en étais convenue avec toi. Je ne l’ai pas trouvé, il n’est chez lui que le matin, à l’exception du lundi qu’il passe entièrement chez lui. De là, je suis allée chez Mme Marre. Je ne peux pas te dire le mal que m’a fait la vue de cette maison. Mes jambes tremblaient sous moi et mon pauvre cœur suffoquait. La pénible station que j’avais faite un moment auparavant au cimetière ne m’avait pas fait la moitié du mal que j’ai éprouvé là en revoyant cette maison. Mme Marre a été parfaitement bonne et convenable mais l’horreur que j’ai de cette maison est au-dessus de tout raisonnement. Je ne m’explique pas ce sentiment, je le subis et j’en souffre horriblement, voilà tout. Je suis rentrée chez moi à 6 h. J’ai dîné en toute hâte et je suis ressortie avec Suzanne pour me soustraire aux tristes émotions de la journée et à l’odieuse influence de ton absence en même temps. Je suis allée jusqu’à la Madeleine pour ma lampe. Après maintes explications j’ai consenti à laisser adapter un nouveau système à ma lampe. Ce système ne consumera que pour 7 centimes de gaz par heure disent-ils, et n’aura plus aucun des inconvénients connus. Ce que voyant, et n’ayant d’ailleurs pas le choix, j’ai consenti à la chose moyennant [somme illisible] F. Dieu veuille que ce ne soit pas un nouvel attrape-nigauda et que je ne regrette pas mes [somme illisible] F. jusqu’à la fin de mes jours. Chemin faisant j’ai trouvé un pot chinois pareil à celui que tu m’as donné et je l’ai acheté très bon marché, ce qui fait une garniture de cheminée très jolie pour très peu d’argent. Si j’ai mal fait tu ne me gronderas pas, au contraire tu m’embrasseras pour la peine, n’est-ce pas mon adoré ? Bonsoir mon Victor. Je te baise et je t’adore de toutes mes forces.

Juliette

MVH, α 7813
Transcription de Nicole Savy

a) « attrappe-nigaud ».

Notes

[1D’après Massin, Hugo se rend le 4 et le 5 novembre à Vert-le-Grand où son fils Charles, en convalescence, et son frère sont en pension dans la famille Georges. Juliette le croit à Orléans. Où est-il vraiment allé ?

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