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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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5 juin 1849

5 juin [1849], mardi matin, 10 h.

Si je m’en croyais, mon amour, je descendrais à la cave et je n’en sortirais pas tant cette chaleur m’est insupportable. Certes, si mon cœur ne me poussait pas à te conduire à l’assemblée, rien au monde ne pourrait me décider à sortir par cet affreux temps rôtissant. J’ai beaucoup de peine à digérer ce que je mange et le mal de tête ne me quitte pas. C’est au point que je regrette la pluie, le vent, la neige, la glace, et tout ce qui peut donner une sensation de froid tant cette température de plomb fondu m’est odieuse. Tu veux que je sois prête à midi ½ malgré cela, je le ferai pour t’obéir mais avec la certitude que ce sera pour rien. J’ai reçu une lettre de Mme Luthereau qui me fait ses adieux et qui me supplie de te demander un dossier. Cela me sera d’autant plus facile que tu l’avais déjà donné hier. Il est vrai qu’il y a plus que la difficulté de le faire. Peu de chose, en vérité, et qui équivaut, pour ceux qui savent la manière de s’en servir, à un bel et bon refus. Quant à moi, je ne suis pas assez généreuse pour en sacrifier un des miens. Je l’avoue sans scrupule et sans honte. Ce qui ne m’empêchera pas de lui répondre que tu lui en donneras un très prochainement. Voime, voime, qu’elle croiea cela, la pauvre femme, et qu’elle boive énormément de [bierre  ?] flamande [1] en attendant, et elle n’aura pas soif. Jour Toto, jour mon cher petit Toto, je sue la bêtise pas tous les pores et je t’aime à grosses gouttes.

Juliette

MVHP, MS a8218
Transcription de Michèle Bertaux et Joëlle Roubine

a) « croye ».


5 juin [1849], mardi soir, 9 h.

Je n’ai pas l’espoir que tu viennes ce soir, mon doux adoré, ce serait donc une vraie et bien agréable surprise si par impossible tu venais. Amuse-toi bien mon adoré, sois heureux, repose-toi et rapporte plein tes poumons d’air pur et de santé. Pense à moi, si laide et si digne d’être belle par l’amour si pur et si dévoué que j’ai dans le cœur. On dirait qu’il y a un vilain démon jaloux de mon âme et qui pour se venger m’a mis un masque repoussant sur le visage. C’est au point que je n’ose plus me regarder tant je me fais horreur à moi-même. Encore si cela ne me faisait pas mal, mais c’est que je souffre beaucoup. Depuis trois jours surtout cela devient intolérable. Si je m’en croyais j’irais consulter un vrai médecin des maladies de la peau afin de voir si on ne pourrait pas me débarrasser de cette lèpre hideuse [2]. En attendant, mon adoré, amuse-toi bien, sois prudent, oublie mon visage et pense à mon amour. Je ne t’ai jamais plus ni mieux aimé. Je t’adore. Bonsoir adoré, à demain MIDI ½. Voime, voime, si on vous fouettait depuis ce temps-là jusqu’à celui où vous viendrez, vous auriez le contraire de votre nez bien rouge.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16367, f. 161-162
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Jean-Marc Hovasse

Notes

[1Laure Luthereau est installée en Belgique, avec son mari imprimeur.

[2Cette « lèpre hideuse » renvoie vraisemblablement aux prémices de la gale, dont Juliette Drouet souffrira jusqu’à l’été 1851.

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