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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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25 août [1842], jeudi matin, 8 h. ½

Je n’ai pas voulu t’écrire, mon bien-aimé, avant d’avoir fait acte d’obéissance, je n’ai pas voulu te souhaiter le bonjour et te baiser avant de m’être gargarisée pendant QUINZE minutes ! J’espère que tu ne douteras plus de ma docilité et de mon exactitude ?
Mais toi, mon pauvre bien-aimé, comment vas-tu ce matin, comment va ton cher enfant [1] ? Je pense que l’air de la campagne [2] lui fera le plus grand bien et à toi aussi, mon pauvre adoré, puisque ta tranquillité, ta santé et ta joie tiennent à la santé de ce cher petit garçon. Mais il me semble que puisque c’est décidé, il vaudrait mieux y aller plus tôta que plus tard ? Après cela, mon cher bien-aimé, tu sais ce que tu as à faire mieux que moi, ou plutôt le médecin, puisque c’est lui qui dirige tout ce qui regarde cet enfant. Je voudrais savoir comment tu as passé la nuit, mon adoré. Je voudrais voir si tu n’es plus fâché contre moi. Je voudrais baiser tes petites mains et tes chers petits pieds. Je voudrais bien des choses que tu me donneras tantôt ou que je te prendrai de FORCE si tu ne veux pas me les donner de bonne volonté : de BONS GROS BAISERS. J’espère que ce scélérat de petit Toto [3] s’estb fait un album À MES DÉPENS. Mais laissez faire, mon amour, dès qu’il sera guéri et vous aussi, je vous tomberai sur la carcasse d’une drôle de façon. Il me faudra des dessins à griffes, que veux-tu. Je suis RAPACE moi, c’est mon état. Et je vous le prouverai en temps et lieux. En attendant je rentre mes cornes et je vous aime de toute mon âme.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16350, f. 97-98
Transcription de Laurie Mézeret assistée de Florence Naugrette

a) « plutôt ».
b) « c’est ».


25 août [1842], jeudi après-midi, 1 h. ½

Je vais donc venir avec toi, mon adoré, je n’ose pas me livrer à la joie touta entière que me donne cet espoir si doux ! Je crains mille empêchements et autant de contrariétés parmi lesquelles il pourrait se faire que nous ne fussions pas seuls entre nous. J’en tremble à cause de mon guignon habituel, cette crainte suffit pour jeter de la cendre sur ce pauvre petit feu de joie si longtempsb attendu et si fort désiré ! Si cela était, mon cher bien-aimé, je te prierais de ne pas ajouter à ma tristesse par une mauvaise humeur immanquable mais qui n’a pas dépendu de moi, que tu ne l’eusses pas. Après cela, le bon Dieu qui m’envoie si rarement des occasions de bonheur, voudra peut-être ne pas attrister celle-ci par la visite de la mère Lanvin ou de la mère Pierceau. Deux pauvres femmes qui forment avec la mère Triger tout mon entourage et toute ma société mais qui me seraient bien importunes aujourd’hui. Enfin, attendons l’événement et aimons-nous quoi qu’il arrive. Une autre chose qui m’inquiète encore plus c’est cet affreux vent qui s’est mis à souffler juste le jour où il ne le faut pas. Je n’ai pas besoin de te dire de prendre bien garde à ce que [le] pauvre petit n’attrape pas de courant d’air car vous serez tous occupés à garantir ce cher petit bien-aimé des atteintes du vent. Tâchez d’arriver à bon port, mes chers petits amis, je vais tâcher de mon côté de n’avoir pas de malencontreuses visites. Et si j’y réussis, tu me verras la plus heureuse des femmes ce soir. A ce soir mon cher adoré, ma pensée, mon cœur, ma vie, mon âme sont avec toi.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16350, f. 99-100
Transcription de Laurie Mézeret assistée de Florence Naugrette

a) « toute ».
b) « long-temps ».

Notes

[1François-Victor Hugo remet d’une grave maladie pulmonaire.

[2Adèle Hugo et ses enfants sont partis entre le 24 et le 25 août s’installer pour quelques mois à Saint-Prix dans le Val d’Oise.

[3Surnom enfantin de François-Victor Hugo.

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