18 août 1842

18 août [1842], jeudi matin, 8 h. ¼

Bonjour mon Toto bien aimé. Comment vas-tu ce matin ? Comment va ton petit garçon [1] ? Comment m’aimes-tu ? Il fait encore bien DOUX aujourd’hui mais puisque tu crois que cela peut t’être favorable je ne m’en plains plus mais je SUE … J’espère que c’est aujourd’hui le dernier jour de triomphe de Charlot [2]. Il faut une fin à tout, même aux fanfares et aux couronnes. Et quoique tu en dises, je sais bien que cela te force à aller à tous ces rassemblements et à faire des mines aux FAUMES qui sont en majorité dans ce genre de hourvari^a [3] : pendant ce temps-là, moi je tourne mes pouces, et je rage, deux occupations assez monotones quand elles se reproduisent tous les jours.
Je vous remercie mon Toto de la bonne petite promenade d’hier. Je vous remercie encore de la fumigation quoique vous ayez été assez maussade vers le commencement. Enfin, je vous aime, ce qui est le commencement et la fin de tous mes discours, de toutes mes pensées et de toute ma vie. Baisez-moi, j’ai bien mal au pied. Je me suis cognée il y a deux ou trois jours et depuis ce temps mon pied n’a fait qu’empirer. Cela me vexe d’autant plus que ce sera peut-être une raison pour que tu aies un peu de temps et un peu de bonne volonté pour le faire sortir. Dans ce cas-là, j’en serais quitte pour mettre mes souliers en savates^b ou pour n’en pas mettre du tout mais à coup sûr je ne perdrai pas l’occasion d’être avec vous.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16350, f. 69-70
Transcription de Laurie Mézeret assistée de Florence Naugrette

a) « ourvari ».
b) « savattes ».

18 aout [1842], jeudi après midi, 1 h. ½

Vous verrai-je bientôt, mon cher petit bien-aimé ? J’ai très soif de vous voir, et je ne sais que vos baisers qui puissent me rafraîchir de ce temps-ci en vérité. Je suis dans ma peau et je grille dans mon âme du désir de vous voir. Il me semble que les tralala de Charlot doivent toucher à leur fin ! Vous serez bien gentil, dès que vous serez libre, de venir me rendre compte de ce qui s’est passé et de me donner en même temps des nouvelles du petit convalescent et des vôtres, mon pauvre PETIT CHIRAGRE [4]. En attendant le vent, qui est-ce qui se douterait qu’il y a eu du vent aujourd’hui, vient de me casser le carreau de la porte de mon cabinet de toilette qui avait résisté^a à tous les ouragans et à toutes les tempêtes depuis que je suis dans cette maison. Maintenant il n’y a plus de raisons pour que ça finisse, aussi, si tu m’en crois, nous ne le ferons pas remettre jusqu’à ce qu’il soit tout à fait tombé. Voilà mon opinion, maintenant tu feras ce que tu voudras. Jour Toto. Jour mon cher petit o. Mon pied va mieux que ce matin. Je l’ai retaillé de nouveau et cela a très bien fait. Ainsi si tu viens me chercher pour marcher je serai^b toute prête. En attendant, je vais ourler mes serviettes à mort. Voilà, mon pauvre amour, ce que je vais faire, sans préjudice de penser à vous uniquement, de vous désirer de toutes mes forces et de vous aimer de toute mon âme. Baisez-moi, Toto chéri et pensez un peu à votre vieille Juju qui vous aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16350, f. 71-72
Transcription de Laurie Mézeret assistée de Florence Naugrette

a) « résister ».
b) « serais ».