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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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17 août [1845], dimanche matin, 8 h. ½

Bonjour, mon Victor adoré, bonjour, mon cher bien-aimé, comment vas-tu, mon cher bijou ? Ta douleur de bas-ventre est-elle diminuée ? As-tu bien dormi ? Ton rhume est-il passé ? Je ne t’ai pas revu hier au soir. Claire et moi nous t’avons attendu jusqu’à près de minuit. J’espérais que tu viendrais nous surprendre, mais il n’en a rien été, malheureusement. J’espère que tu n’es pas plus souffrant et que c’est ton travail qui t’a empêché de venir ? Mon Victor adoré, je te souris, je t’aime, tu es ma vie et ma joie. Je ne vis que pour t’aimer et pour être aiméea de toi.
Mme  Rivière et son fils sont partisb à 10 h. ¼ hier. J’avais une migraine si violente qu’il m’aurait été impossible d’écrire tout ce que ce matelot nous a dit. Je le ferai aujourd’hui avec plus de fruit parce que cela se sera classé dans ma mémoire tandis qu’hier tout y était pêle-mêle. Tu as vu ce que c’est ? Un pauvre matelot à peine dégrossi, mais modeste, si ce mot peut s’appliquerc à un homme quelconque et en particulier à un apprenti nautonierd. J’ai dit à la mère de me l’amener encore une fois avant son départ. Je verrai à en extraire les quelques particularités intéressantes qu’il a retenues dans ses voyages.
Jour, Toto, jour, mon cher petit o, que je t’aime et que je voudrais passer avec toi une bonne journée ENTIÈRE. Est-ce que ce bonheur ne m’arrivera pas une pauvre fois cette année ? Tu me l’as promis, mais ce n’est pas une raison pour espérer, AU CONTRAIRE. D’abord il faut te bien porter et puis après je te tourmenterai à mon aise. Pauvre bien-aimé, n’aiee pas peur. Je serai très discrète, je me bornerai à gribouiller mes importunités de loin sans t’en ennuyer de près. Je te baise, je t’aime, je t’espère et je t’adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16360, f. 160-161
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « être aimé ».
b) « sont parti ».
c) « peu s’appliquer ».
d) « nautonnier ».
e) « n’aies ».


17 août [1845], dimanche après-midi, 3 h. ¾

Tu ne vas pas mieux, mon Toto, et je ne te verrai peut-être pas. Voilà deux choses qui m’attristent profondément, quelque courage que j’y mette. Tu t’es en allé si vite et j’étais si dégoûtantea que je n’ai pas même pu t’embrasser. Aussi je t’ai vu partir avec un indicible sentiment de regret. Tu n’as pas pris le chemin du faubourg Saint-Germain, quoique tu m’eusses ditb que tu allais chez Trébuchet. Je ne veux pas suspecter ta loyauté parce que je sens que cela me ferait un mal hideux, mais je voudrais bien que le hasard ne se mêlât pas si souvent de donner des démentis apparents à ce que tu me dis.
Depuis que tu es parti, mon bien-aimé, je suis plus que triste. Je suis obligée de mettre sur le compte du mal de tête l’insurmontable découragement que j’éprouve. Je ne veux pas affliger cette pauvre Claire pour le peu d’instants qu’elle est avec moi. J’aime mieux lui laisser croire que je suis souffrante. Elle a beaucoup regretté de ne pas s’être trouvée là quand tu es venu tantôt. Du reste, M. Dumouchel a été content d’elle, car elle a fait une dictée sans faute. Espérons qu’elle arrivera à n’en plus faire jamais. En attendant, elle travaille courageusement. Elle n’a pas vu son père hier. Il n’était pas chez lui. Voilà, mon cher petit Toto, les nouvelles du moment. Elles sontc peu intéressantes pour toi. Je ne te les dis que parce que tu le veux. Je t’obéis en tout comme tu vois. Cependant si je ne te vois pas ce soir, je ne pourrai pas être gaie avec la meilleure volonté du monde. Tâche de venir, mon Victor, pour que je sache comment tu vas et pour que je t’embrasse autrement qu’en courant. Je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16360, f. 162-163
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « dégouttante ».
b) « tu m’eusse dit ».
c) « elles son ».

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