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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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28 mai 1845

28 mai [1845], mercredi matin, 11 h.

Bonjour, cher bien-aimé, bonjour, mon âme, bonjour, ma vie, ma joie, mon amour, mon Dieu, mon tout, bonjour, je t’aime. Quand te verrai-je, mon doux bien-aimé ? Tu n’en sais rien. Ta journée, aujourd’hui comme toutes les autres, sera prise par toutes sortes de choses qui ne te laisseronta pas le temps peut-être de venir m’embrasser. Mais, moi qui n’ai rien à faire qu’à t’aimer, mon Victor ravissant, je ne te quitte pas une seconde de la pensée et de l’âme. Je te désire et je t’attends, sinon avec patience, avec courage et résignation.
Le malheur d’hier n’a pas laissé de trace. Aucun de tes livres manuscrits ne sont endommagés. Aucun papier n’a été perdu. Tout s’est passé pour le mieux. Je viens de le vérifier tout à l’heure. Il ne reste que ma maladresse qui est incurable. Eh bien ! tant mieux, cela ne vous regarde pas.
Vous avez tant tardé à faire les chiffres pour vos mouchoirs [1] que je ne sais plus maintenant quand on les fera. Eulalie s’en va ce soir et ne reviendra que vendredi. Outre ce petit retard pour vos mouchoirs, je crains pour moi-même que ma fille ne m’écrive demain de l’envoyer chercher pour aller à l’Hôtel de Ville, auquel cas je ne sais pas comment je ferais, à moins d’y aller moi-même avec elle. D’un autre côté, Eulalie a absolument besoin à la barrière de l’étoile. Tu vois d’ici que tout cela va de guingoisb. Je serai très contrariée s’il faut que ma pauvre péronnelle ait besoin de sortir demain.
En attendant, baisez-moi et aimez-moi. Je le veux, je vous l’ordonne, je vous en prie, je vous en supplie.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16359, f. 231-232
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « te ne laisseront ».
b) « de guingoi ».


28 mai [1845], mercredi après-midi, 4 h. ½

J’espère, mon petit homme chéri, que tu es à l’abri dans quelque coin et que tu n’auras pas reçu une seule goutte du gros orage qui vient de crever tout à l’heure ? Le temps est encore bien sombre et bien grimaud, mais tu as un parapluie. Je voudrais bien vous voir, mon amour, j’en ai bien besoin et bien envie. Est-ce que vous ne viendrez pas bientôt ? La journée est dix fois plus longue que d’habitude quand je ne t’ai pas vu à l’heure ordinaire.
Cher amour, je sais bien que tu t’appartiens moins encore aujourd’hui que les autres jours. Aussi je ne grogne pas, je me plains seulement tout doucement afin de me soulager un peu le cœur qui est encore plus chargé d’impatience que le temps de pluie.
J’attends une lettre de ma fille aujourd’hui par le jardinier. Voici déjà l’heure bien avancée. Peut-être ne viendra-t-il pas. J’ai une peur de chien qu’elle ne me fasse demander à aller demain à l’Hôtel de Ville, justement le jour où je n’aurai pas Eulalie. Nous avons assez de chance toutes les deux pour ça. Si cela était, j’irais moi-même, si tu le permettais, la chercher et la conduire. Justement, voici Duval. Je vais savoir cela tout de suite. Je reviens, mon Victor adoré. À tout à l’heure.
J’ai le petit mot de Claire [2] qui me dit qu’elle n’a pas encore reçu sa lettre de convocation et qui ne me dit rien du reste ; ainsi, mon Toto chéri, me voici délivrée d’un ennui pour demain.
Cher adoré bien-aimé, je t’aime, je t’attends, je te désire de toutes mes forces. Hâte-toi de venir, si tu ne veux pas que je sois la plus triste des Juju.

J.

BnF, Mss, NAF 16359, f. 233-234
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

Notes

[1« Chiffre » : « Entrelacement de deux ou de plusieurs lettres initiales des noms d’une personne » (Larousse). Victor Hugo veut faire broder des mouchoirs par Eulalie (lettre du 5 mai 1845, BnF, Mss, NAF 16359, f. 133-134). Le petit croquis effectué par Juliette (BnF, Mss, NAF 16359, f. 275-276) représente le chiffre brodé, surmonté d’une couronne.

[2Ce petit mot n’est pas en notre possession.

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