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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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26 janvier [1849], vendredi après-midi, 1 h.

Je suis en retard dans mon gribouillis aujourd’hui, mais je crains que vous ne me laissiez le temps de me rattrapera, à mon grand regret, car j’aime mieux vous voir que vous écrire. Je vous dirai, mon cher petit martyr…. de la goinfrerie, que je ne suis pas encore remise de la fatigue d’hier. Jamais je crois je n’ai été plus courbaturée qu’hier. C’est au point que ce matin je ne pouvais pas mettre un pied l’un devant l’autre sans pousser des gémissements plaintifs. Encore en ce moment je suis tout endolorie et il me prend des envies de dormir invincibles. Je compte sur vous pour me guérir tout à l’heure par le remède Oméopathique [1]. Plus on est fatigué, plus il faut marcher vite et longtempsb pour se délasser. Voime, voime, ce remède peut être bon pour les jambes, mais il a peu de succès pour le cœur. Vous avez beau me retirer tous les jours une partie de mon bonheur, je vous assure que je n’en suis pas plus heureuse au contraire et que je ferai bientôt comme le cheval à qui on diminuait tous les jours sa ration d’avoine et qui a fini par crever de ce régime économique et peu nutritif au grand étonnement de son maître Toto.

Juliette

Leeds, BC MS 19c Drouet/1849/31
Transcription de Véronique Heute assistée de Florence Naugrette

a) « rattrapper ».
b) « long-temps ».


26 janvier [1849], vendredi après-midi, 2 h.

Je t’attends, mon doux aimé, je ne m’impatiente pas parce que je sais que tu n’es pas maître de toi et puis parce que tu m’as promis de me donner à copier bientôt. Cette douce promesse suffit pour me donner du courage et de la résignation aujourd’hui. Mais pour que toutes les bonnes résolutions persistent, il faudra les tenir bien vite autrement je croirais qu’elle est de la même famille que la culotte invisible et impalpable de l’année passée. En attendant, je t’attends avec la seule flamme de mon amour pour me tenir chaud. Mais, hélas ! le tuyau conducteur manque, ce qui fait que toute ma chaleur est en dedans et que j’ai très froid au dehors. Tâchez donc de venir un peu souffler le feu, mon adoré, ou de me faire faire un exercice un peu plus réchauffant que celui de vous attendre. Quel nouveau dîner, je voulais dire quel nouveau supplice, avez-vous à subir aujourd’hui, mon pauvre Toto ? Je n’ose pas espérer qu’on vous laissera tranquille même un seul jour. Aussi je vous plains de toute mon âme et je vous envoie un tas de tendresses digestives pour vous aider à supporter toutes ces abominables bonnes choses. Juliette.

Leeds, BC MS 19c Drouet/1849/32
Transcription de Véronique Heute assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Juliette Drouet utilise le « O », diminutif, par aphérèse, de « To », lui-même diminutif de « Toto », lui-même diminutif de « Victor ».

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