8 janvier [1849], lundi matin, 11 h. ½
Quel affreux temps, mon pauvre adoré, couvre-toi bien et tâche de n’avoir pas les pieds mouillés. Je me dispose à aller te conduire. Je ne veux pas te laisser aller seul par ce vilain temps et surtout je ne veux pas perdre l’occasion d’être avec toi pendant quelques instants. Pour cela il faut que je me dépêche pour être prête à midi, car rien n’est encore fini chez moi. Aussi, mon bien-aimé, je te gribouille mes quatre cent dix-neuf millions de tendresses en courant pour ne pas te faire attendre dans le cas où tu serais exact à l’heure. Vous savez, mon cher petit roi [1], que vous avez à m’apporter la mesure précise de votre fenêtre. Tâchez de ne pas l’oublier afin que ces deux jeunes filles [2] puissent l’emporter samedi prochain. J’insiste beaucoup là-dessus parce que je crois que cela vous fera plaisir dans le cas où elles réussiraient et qu’elles seront elles-mêmes très heureusesa d’avoir l’honneur de travailler pour vous. Quant à moi, je suis une pauvre bonne à rien qu’à vous aimer, ce dont vous vous souciez très peu, mais ce n’est pas ma faute. Tâchez de vous tenir les pieds chauds et le nez blanc. À votre place je resterais tout bonnement au coin de la cheminée de la vieille Juju et je laisserais les socialistes cracher sur les réactionnaires et tousser leur république à pleins poumons [3]. Maintenant que je vous ai donné mon avis, je suis à vos ordres et je vous attends avec armes et bagages.
Juliette.
Leeds, BC MS 19c Drouet/1849/01
Transcription de Véronique Heute assistée de Florence Naugrette
a) « heureuse ».