Guernesey, 29 mars 1860, jeudi matin, 8 h.
Bonjour, mon cher bien-aimé, bonjour, en paix et en guerre, bonjour, à bouCHE portant [1] ; bonjour, à feu et à sang ; à l’arme blanche et au canon rouge ; bonjour et amour sans quartier, à l’escalade et à l’abordage ; au viol et à l’incendie. Je te félicite de nouveau du grand et courageux parti que tu as pris d’empêcher la publication de ta monstrueuse caricature. En somme il ne faut pas que les Parisiens s’imaginent que ton indignation contre le Boustrapa n’est qu’une rancune déguisée de la grotesque figure que t’aurait fait l’exil, si tant est que l’exil puisse jamais défigurer à ce point les honnêtes gens en général et ton mâle et noble visage en particulier. Entre la déconvenue à huis clos du brave Chenay [2] et la mortification en public de la publication de ce portrait il n’y avait pas à hésiter et tu as bien fait de lui faire ce petit chagrin intime pour lui sauver un immense haro universel. Pour ma part j’en suis très contente pour toi, pour lui, pour moi et pour tout le monde. Sur ce mon cher bien-aimé, je vous baise à cœur émoulu et à baisers [illis.].
Juliette
BnF, Mss, NAF 16381, f. 65
Transcription de Claire Villanueva
[Souchon]