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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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5 juin 1844

5 juin [1844], mercredi matin, 9 h.

Bonjour, mon Toto adoré, bonjour, mon Toto chéri, bonjour, mon cher amour, bonjour, mon petit Toto, bien aimé, bien aimé, bien aimé ! Comment vas-tu ce matin, comment va ta gorge ? Le temps est si beau que j’espère que tu n’auras plus besoin de ton odieux gargarisme [1]. Quant à moi, mon cher petit, j’ai plus que jamais besoin de te voir et d’être avec toi. Je donnerais des années de ma vie pour des jours comme celui-ci passé avec toi, en liberté, en plein-air, en plein soleil, en plein amour, en plein bonheur. Malheureusement, le bon Dieu ne se prête pas à ces sortes d’échanges car il y a bien longtemps déjà que j’aurais dépensé tout mon capital d’années. Est-ce un bien, est-ce un mal ? Pour moi, je trouve que c’est un grand mal, parce qu’on n’est jamais sûr que de ce qu’on tient. Je me permets donc de blâmer le bon Dieu hautement, tant pis pour lui.
Suzanne continue de ne pas manger et à se dire pas malade. Nous verrons ce que cela deviendra à la longue mais c’est toujours triste d’avoir sous les yeux un être souffrant et qui prolonge à plaisir sa souffrance par une stupidité des plus absurdes. Baise-moi, mon Victor adoré, pense à moi, viens me voir et aime-moi, je te le rendrai de tout mon cœur.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16355, f. 119-120
Transcription de Mylène Attisme assistée de Florence Naugrette


5 juin [1844], mercredi soir, 5 h. ³∕₄

Tu n’es pas venu, mon Toto bien aimé. J’ai pourtant bien besoin de te voir, je te désire pourtant de toutes mes forces et je t’aime de toute mon âme. La journée, quoique remplie jusqu’à la fatigue par toutes sortes de soins intérieurs, me paraît mortellement longue. Ajoute à cela un peu d’inquiétude que j’ai sur ma pauvre servarde qui est décidemment malade et couchée depuis tantôt, et tu comprendras combien ton absence doit me peser.
J’ai écrit à M. Triger en le priant de venir le plus tôt possible. Quand je dis M. Triger, c’est-à-dire à sa femme pour son mari. Je viens d’aller voir Suzanne dans sa chambre à l’instant. Elle est fort rouge et fort animée, elle a un mal de tête atroce. Cependant, elle se trouve mieux que tantôt. J’espère que ce ne sera ni dangereux ni sérieux pour elle, la pauvre fille, mais je ne serai tranquille que lorsque le médecin l’aura examinée avec soin.
J’ai fait une partie de mes affaires moi-même. Eulalie a fait la commission et fera le dîner tout à l’heure. Voilà ce qui t’explique l’occupation et la fatigue de la journée dont je te parlais tout à l’heure. Du reste, je me porte admirablement bien et je serais heureuse si tu venais tout de suite. Je t’aime mon Victor. Je t’adore, mon cher petit homme ravissant.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16355, f. 121-122
Transcription de Mylène Attisme assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Hugo soigne sa gorge à l’alun.

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