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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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8 avril 1844

8 avril [1844], lundi matin, 8 h. ½

Bonjour, mon Toto bien-aimé, bonjour, mon cher petit homme triste, bonjour, mon pauvre ange bien aimé. Comment vas-tu ce matin ? As-tu pris un peu de repos cette nuit ? J’ai rêvé de toi, mon pauvre petit homme, toute la nuit, et comme toujours, mes rêves ont été douloureux. J’espère que cela ne signifie rien et que tu m’aimes. Qu’est-ce que je deviendrais, mon Dieu, si tu ne m’aimais pas ? J’en deviendrais folle tout de suite ou j’en mourrais. Tu ne peux pas savoir, mon adoré, à quel point j’ai mis tout mon amour et toute ma vie dans toi. Le jour où tu me manquerais, tout me manquerait. Je t’aime, mon Victor. Je t’aime. Mon noble, mon généreux homme, tu es beau, je t’aime  !
J’ai envoyé Suzanne ce matin chez le Dabat pour savoir au juste quand il pourrait te donner tes souliers ; il a dit qu’il ferait tous ses efforts pour t’en donner une paire jeudi. Tout à l’heure, elle ira chez Lanvin pour ta boucle. Tu peux donc venir en toute confiance : tu auras tes commissions faites.
Jour Toto, jour mon cher petit o, ne sois pas triste, je t’aime. Clairette te fera tes mouchoirs comme tu les veux. Elle te fera tout ce que tu voudras car elle t’aime bien profondément. On sent que c’est une joie pour elle de travailler pour toi. Même, je vous dirais qu’elle prend trop vos intérêts et que si je l’écoutais, je vous donnerais toutes mes affaires. Voime, voime, polisson, tu verras comme je te recevrais.
[dessina]
Je vous défends d’être très aimable avec Saint-Denis, avec Mme de Villeneuve, et d’autres toujours du même sexe. Laissez ce divertissement à votre cousin Asseline [1] et soyez-moi bien fidèle ou sinon, je vous flanquerai des coups et des giffes à pile-que veux-tu. Sur ce, baisez-moi, monstre et taisez-vous. Vous voyez, monstre, que je me racquitte avec vous et que je ne vous dois rien. Que cela vous serve d’exemple et tâchez d’imiter ma scrupuleuse probité à l’avenir car pour l’arriéré, j’y mets deux p.p. ; vous ne pourriez jamais vous acquitter sans cette générosité forcée de ma part.
Pense à moi mon Toto, aime-moi et viens me voir bien vite. Il fait un temps ravissant, c’est bien dommage que nous n’en puissions pas profiter ensemble. Bientôt, je l’espère, tu me donneras cette joie. Tu me l’as bien promis et j’y compte.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16355, f. 25-26
Transcription de Mylène Attisme assistée de Florence Naugrette

a) Dessin : Juliette tient un bâton dans la main qu’elle abat sur la tête de Hugo. « Juju » est-elle la légende du dessin ou le prénom correspondant au nom « Saint-Denis » ? C’est indécidable tant qu’on n’identifie pas cette « Saint-Denis » dont elle est jalouse.

© Bibliothèque Nationale de France

8 avril [1844], lundi après-midi, 5 h.

Vous êtes bien venu chercher votre boucle, n’est-ce pas, mon cher petit blagueur ? Une autre fois, je me décarcasserai pour vous, soyez tranquille. À propos de tranquillité, aucun de mes convives n’a encore montré ses cornes. Je serai seule avec ma péronnelle [2] et vous vous garderez bien de venir interrompre ce doux tête-à-tête, avant que toutes mes femelles ne soient arrivées. Ia, Ia, monsire, matame, monsire Dodo, il dre un karzon pien chentil en renivlant [3].
Je vous dirais mon Toto qu’il est arrivé un grand désastre à mon infortunée perruque griffagne. Suzanne m’a fait l’espièglerie de poser mes papillotes avec un fer rougi. Merci. [Après  ?] cela, j’aime autant ça : plus tôt il n’y en aura plus un seul et mieux ça vaudra. En attendant, votre système capillaire se développe avec fureur, à vous, Scapilione [4] lui-même a l’air d’un pelé à côté de votre perruque mérovingienne. C’est pour m’humilier ce que vous en faîtes et je conviens que vous y réussissez à merveille. Cela ne m’empêche pas de vous aimer à la rage et de vous adorer idem.
Est-ce que tu ne viendras pas bientôt ? Sérieusement, mon Toto, je t’attends depuis bientôt dix-huit heures et je te désire de toute mon âme.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16355, f. 27-28
Transcription de Mylène Attisme assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Alfred Asseline, cousin d’Adèle Hugo.

[2Sa fille Claire Pradier.

[3Imitation de l’accent germanique pour « oui, oui, monsieur, madame, il être un garçon bien gentil en reniflant ».

[4À élucider.

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