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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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27 mars 1843

27 mars [1844], mercredi matin, 9 h. ½

Bonjour, mon cher petit bien-aimé, bonjour mon adoré petit homme, bonjour, comment va ta poitrine mon Toto chéri ? Si elle te fait autant de mal que ces jours passés, c’est que ma tisanea n’agit pas suffisamment et tu devrais consulter M. Louis. Il ne serait pas raisonnable d’attendre que cette petite irritation devienne plus sérieuse, n’est-ce pas, mon amour ? Le temps est bien doux et doit te faire du bien ? Je crains, mon pauvre ange, que l’excès de travail et le petit chagrin de famille qui vient s’y ajouter ne soient les causes principales, sinonb les seules de ton indisposition. Il faudrait prendre sur toi de te reposer et de ne pas prendre autant à cœur des évènements qui ne te sont pas tout à fait personnels et contre lesquels tu ne peux rien. Pauvre adoré, tous ces conseils si faciles à donner, je sens bien, avec le cœur et le dévouement que tu as, que tu ne pourras pas les suivre ! C’est ce qui me tourmente et me rend triste car je sens combien ta santé y est intéressée. Que faire ? Je suis prête à tout pour te conserver la santé et le repos, ne crains pas de m’indiquer tout ce qui dépend de moi pour cela. Je t’aime, mon Victor adoré, Dieu le sait.
Tu m’as fait espérer de me faire sortir aujourd’hui. Je veux être prête de bonne heure pour profiter de ta bonne volonté dans le cas où tu pourrais la mettre à exécution. Je me dépêche autant que la présence de Cocotte sur mon doigt me le permet, ce qui n’est rien moins que facile en y joignant les cris de Jacquot et de Suzanne parlant à son chat. Je serai prête à une heure et peut-être auparavant. Et puis je t’aime de toute âme.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16354, f. 335-336
Transcription de Chadia Messaoudi assistée de Chantal Brière et Florence Naugrette

a) « tisanne ».
b) « si non ».


27 mars [1844], mercredi après-midi, 2 h. ¼

Je n’ai pas besoin de te dire, mon Toto chéri, que je suis sous les armes depuis plus d’une heure ? Je ne m’impatiente pas mais je suis triste parce que je prévois que la douce promenade que tu m’avais promise ne pourra pas se faire. Je sais que ce n’est pas ta faute, mon bien-aimé, aussi je ne t’en veux pas, mais je regrette ce pauvre petit moment de bonheur sur lequel j’ai un peu trop compté. La joie d’être avec toi est si vive que, même pour aller voir cette pauvre malade [1], je trouve un grand bonheur malgré le triste but de ma sortie. Enfin, mon pauvre adoré, ce n’est pas ta faute, voilà ce qu’il faut que je me dise et redise pour adoucir l’amertume de mon désappointement. Il fait si beau et si doux aujourd’hui que je n’ai pas allumé de feu. Je n’en allumerai que lorsque tout espoir de sortir avec toi aujourd’hui sera perdu.
Tout à l’heure le porteur d’eau vient de frapper à la porte, cela m’a fait battre le cœur. Hélas ! …a Ce n’était que de l’eau claire.
Je vais lire l’article de P. A. Garnier [2] que j’ai déjà très commencé. Jusqu’à présent il est impossible d’entrer davantage dans tes idées. Thierry ni Théophile lui-même ne se sont jamais expliquésb plus nettement sur Boileau, Racine, Voltaire etc. Je crois que tu feras bien d’écrire à ce M. Garnier. La chose en vaut la peine car c’est fait avec intelligence, avec conviction et d’abondance. Je parle un peu de tout cela comme les aveugles des couleurs mais tu le veux. Je t’obéis et je t’adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16354, f. 337-338
Transcription de Chadia Messaoudi assistée de Chantal Brière et Florence Naugrette

a) Les points de suspension se poursuivent jusqu’à la fin de la ligne.
b) « expliqué ».

Notes

[1Il s’agit de Mme Pierceau

[2S’agit-il de Pierre-Auguste Garnier, frère ainé d’Auguste-Désiré et de François-Hippolyte qui fondèrent la librairie-édition Garnier en 1833 et qui vint les rejoindre ? Dans Le Moniteur de la Libraire de mars 1844, on trouve une référence à la Revue de la Province et de Paris comportant dans sa livraison de mars des articles de critique, « par MM. V. Paquet, Th. Coursiers, J. Luthereau, Eug. de Lonlay, P. A. Garnier », p. 313. L’article en question est à élucider.

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