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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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29 novembre [1843], mercredi matin, 10 h.

Bonjour mon Toto bien-aimé. Bonjour mon Toto chéri, bonjour mon Toto bien-aimé adoré. Comment vas-tu ce matin, mon amour ? Moi j’ai passé une partie de ma nuit sans dormir. J’ai eu une insomnie atroce et ce matin je suis toute brûlante et toute mal à mon aise. Cependant la sortie d’hier m’avait fait du bien, cela tient probablement à un certain voisinage ennuyeux qui me menace de sa prochaine visite. Ce n’est pas un avertissement que je vous donne parce que je sais bien que rien ne peut triompher de votre indifférence à ce sujet. Mais ne parlons pas plus longtemps du chat qui dort et de Juju qui ne dort pas.
Il faut encore très beau aujourd’hui. Si tu peux me faire sortir encore je ne refuserai pas la partie. Cela me fera grand bien et je serai très heureuse. En attendant, je gribouille entourée de ma ménagerie qui se dispute à qui sera le plus féroce et le plus bruyant. Suzanne croassant sur le tout qui crie à me déchirer les oreilles. Tousa ces sons harmonieux m’exaspèrent à un point que je ne peux pas dire. Il y a des moments, comme à présent, où je les jetterais tous par la fenêtre. Vraiment ça n’est pas toujours drôle et c’est toujours insupportable.
Je te raconte mes trente-six infortunes de Jacquot parce qu’il me serait impossible dans ce moment de trouver autre chose dans ce charivari de bêtes, de cris, de voix, de sons de toutes sortes. Heureusement que le cœur n’a pas d’oreilles et je peux vous aimer en toute tranquillité et sans être interrompue. C’est ce que je fais mon Toto. Je vous adore, je vous désire, je vous attends avec impatience et je vous aime tout plein mon cœur et par dessus mon âme. Tâchez de venir bien vite mon amour et je vous pardonnerai tous vos trimes. Baisez-moi, pensez à moi et aimez-moi si vous tenez à votre vie.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16353, f. 105-106
Transcription de Olivia Paploray assistée de Florence Naugrette

a) « tout ».


29 novembre [1843], mercredi soir, 4 h.

Tu es bien gentil d’être venu un petit moment tantôt, tu l’aurais été encore bien davantage si tu étais déjà revenu et tu le serais des millions de fois plus si tu venais tout de suite.
Je n’ai pas pensé à vous demander où vous alliez si matin. Prenez garde à l’histoire du cuisinier du sieur Jacquot, qu’elle ne devienne pas la vôtre et c’est moi qui me chargerai de l’exécution. Je suis très féroce vous le savez, méfie-toi Toto.
Quel beau temps mon amour et comme j’aimerais à courir les rues avec vous. Quel dommage que vous n’ayez jamais le temps de me faire sortir et qu’il faille toujours la croix et la bannière pour vous décider à me faire prendre l’air une fois tous les trois mois. Convenez que vous êtes bien ennuyeux et je vous pardonne et je vous attendrai, sinon avec patience, ce qui ne m’est pas possible, mais avec résignation. Je ne demande du reste à sortir que pour te forcer à être un peu plus souvent avec moi. Mais au dedans comme au dehors je ne suis tes pas. Tu n’y mets pas non plus une bonne volonté bien excessive. Si je me trompe convenez que les apparences sont trompeuses. Si je me trompe je baise vos pieds et même sans cela je les baise encore parce que je vous aime comme un pauvre chien. N’oubliez pas que je vous attends mon amour et que le temps me paraît bien long.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16353, f. 107-108
Transcription de Olivia Paploray assistée de Florence Naugrette

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