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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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5 novembre [1843], dimanche soir, 7 h. [¼ ? ¾ ?]

Je pense à toi, mon cher bien-aimé, je te désire, je t’aime : ô oui, je t’aime, mon Toto adoré, sois-en bien convaincu car c’est bien vrai. Nous parlons de toi, rien que de toi, avec ma bonne petite Claire. Nous t’aimons et nous te bénissons. La pauvre enfant n’a plus guère de temps à rester avec moi. Je vois déjà sa petite figure se gripper. Cependant je fais bonne contenance et je lui fais entrevoir la quinzaine qui luit à l’horizon. Nous admirons le portrait de ton cher petit Toto [1] et l’intérieur doux et charmant de ton pauvre ange. Nous sommes devant ces deux ravissantes choses en admiration et en dévotion. Nous sommes tout yeux et tout âme. Claire, dans ce moment, lit les vers d’Ulric [2] ; moi, je t’écris, mon Toto bien-aimé, le cœur plein de reconnaissance et d’amour. Sois heureux, mon amour, du bonheur que tu me donnes. Sois fier devant Dieu car tu as sauvé deux âmes : celle de la mère et celle de la fille ! Je sens des choses ineffables que je n’ose pas te dire dans la crainte de les souiller dans des paroles humaines. Je t’aime plus qu’une femme et je t’aime comme un Dieu. Je baise tes pieds, c’est-à-dire tes ailes.
Ne tarde pas à venir, mon Toto chéri. Si tu savais quelle joie et quel rayonnement tu mets dans toute la maison, tu te dépêcherais à venir. Hélas ! je suis folle, n’as-tu pas tes enfants à rendre heureux ? Pauvres chers bien-aimés, je les envie mais je n’ai pas la cruauté de leur ôter leur bonheur. Seulement je te supplie de te dépêcher d’en jouir pour que je puisse avoir mon tour.
As-tu donné le sachet à Dédé ? Toto a-t-il rapporté du cotignac [3] ou du cotignar ou du cotignard ? Tu peux choisir dans les trois noms celui qui te cotignardiseras le plus. En attendant, je donne congé à Suzanne pour toute la soirée et je vais lire le Musée des familles [4] à ma péronnelle. Je voudrais bien me donner le genre de vous baiser sur toutes les coutures, ça m’irait joliment bien je vous assure. Mais vous ne viendrez pas, vous n’êtes pas assez bien avisé pour ça. Taisez-vous qu’on vous dit et dépêchez-vous ou la place sera prise par les….. ANGLAIS.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16353, f. 17-18
Transcription de Olivia Paploray assistée de Florence Naugrette

Notes

[2Vraisemblablement des vers du poète Ulric Guttinguer.

[3Cotignac : Confiture épaisse, pâte de coings.

[4Le Musée des Familles, périodique populaire illustré, publia des textes des romantiques, dont Victor Hugo.

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