24 mars [1837], vendredi, midi ½
Bonjour, mon cher petit homme adoré. Il faut bien que ce soit pour vous pour que j’aie le courage de mettre le nez hors de mes couvertures. Il est vrai que de vous dire « mon Toto, je vous aime de toute mon âme », me réchauffe jusque dans les entrailles, de vous voir me brûle sans me consumer comme le buisson ardent de l’histoire sainte.
Je tousse à m’arracher la gorge. O doux printemps comme dit [illis.]. Si tu continues encore quelques jours comme ça tu feras fleurir les engelures et épanouir les catarrhes.
Je vais copire vos vers latins que j’ai la prétention de comprendre mieux que vous-même et pour [illis.] [sottarum ?] satyres [inimitabitur ?] [illis.] hein ? En voilà du latin soigné et qui réveillerait un mort de trois mille ans si la trompette du jugement dernier n’en avait pas pris le monopole… Je vous aime, mon cher adoré, je vous aime bien plus que vous ne le savez, car il y a bien des larmes et bien des joies que vous ne vous expliquez pas et dont vous ne vous doutez pas, parce que vous ne savez pas jusqu’où je vous aime. Toto, je t’aime mon pauvre amour.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16329, f. 305-306
Transcription d’Érika Gomez assistée de Florence Naugrette