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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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17 janvier [1837], mardi soir, 6 h. ½

Encore une bonne journée de passée mon cher bien aimé, encore un caillou blanc dans notre vase de bonheur. Quanta à moi bien que souffrante j’ai eu tout le bonheur et toute la joie que peut donner l’amour impatiemment et ardemment désiré. J’espère que toi aussi tu auras eu quelque peu de bonheur dans les bras de ta pauvre vieille Juju malade et rechignée. Je voudrais seulement que ce bonheur si ravissant fût moins rare et moins court : de qui cela dépend-il, à qui faut-il s’adresser pour cela ? Dites le moi mon petit Toto afin que je prie nuit et jour cet être là de m’accorder ce qui fait le ravissement de ma vie.
Je voudrais marcher ce soir, il me semble que cela me calmerait la tête que j’ai toujours à l’état de roue de cabriolet lancée sur un pavé inégal. D’un autre côté mon mal de reins paraît ne devoir pas s’accommoder de l’excuse, ce serait très embarrassant si vous veniez me chercher pour faire un tour de boulevard, mais dans l’état actuel des choses je donne la préférence à ma chaise et au coin de mon feu.
Jour petit Toto chéri. Vous êtes mon cher amour adoré. Vous m’avez dit de bien belles et de bien bonnes choses aujourd’hui sur la dissemblance des caractères qui n’exclut pas la sympathie de l’âme et la conformité de goût.
Je suis d’autant plus touchée de cela mon cher adoré qu’il était évident que vous cherchiez à m’élever à mes propres yeux afin que je crusse à votre amour qui est plus que ma vie. Merci, merci mon cher petit toi.
J’ai bien compris, je suis bien heureuse et bien fière, merci mon Toto adoré. Sois béni. Sans toi, sans ton amour j’aurais été perdue pour cette vie et pour l’autre. Toi tu es mon sauveur, mon Christ, tout ce que le cœur humain aime et respecte.
Je te dis tout cela comme je le sens, pêle-mêleb, tant pis pour l’expression si elle ne vient pas avec le sentiment, ça ne me regarde pas, moi je ne suis qu’une pauvre fille bien sincère, bien amoureuse et bien dévouée, je ne peux pas être tout à la fois une belle esprit et une bas bleuse trouée. Jour, je t’aime plein mon cœur et plein mon âme et puis encore tout plein mon corps.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16329, f. 65-66
Transcription d’Erika Gomez assistée de Florence Naugrette

a) « quand ».
b) « pelle mêle ».

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