Lundi matin [31 août 1835] [1], 10 h. ½
Après le 24 août 1835a
Bonjour, mon bien-aimé, comment vas-tu ce matin ? Tu n’es pas venu et je n’ai pas le courage de t’en vouloir parce que je pense que tu as beaucoup travaillé et que tu es épuisé de fatigue. Je voudrais te voir pour te délasser à force de caresses, je voudrais te voir pour te dire que je t’aime, que je n’ai pas une seule pensée qui ne soit à toi, je voudrais te voir pour te voir parce que ta vue, c’est ma vie.
Je me suis levée un peu tard ce matin parce que j’ai relub dans mon lit toutes les admirables choses que tu m’as donnéesc hier. Je ne peux pas me lasser de lire et d’admirerd. C’est avec un gros soupir que je les ai mises sous clef car quoique je sois seule chez moi, je tremble toujours qu’on ne me prenne mes trésors. Je suis certainement plus drôle que Guiaud Harpagon gardant ses richesses [2].
À propos, je viens de lire dans la Revue de Paris qui doit être bien informée que « M. Victor Hugo et toute sa famille assistait à la première représentation de Marguerite de Quélus »e [3]. Je ne peux pas supposer que tu m’aies fait un mystère de ta présence à cette soirée. Dans le cas où tu aurais commis cette faute, je te prie de me le dire. Je te pardonnerai de tout mon cœur à la condition de ne me plus rien cacherf. Je t’aime trop pour être trompée.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16324, f. 234-235
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette
a) Date rajoutée sur le manuscrit d’une main différente de celle de Juliette.
b) « relue ».
c) « donné ».
d) « amirer ».
e) Ajouté dans l’interligne « 24 août 1835 » d’une autre main que celle de Juliette.
f) « caché ».