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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Aux Metz, vendredi matin [25 septembre 1835], 9 h.

Bonjour, mon adoré, comment vas-tu ce matin ? Tu ne t’es pas ressentia de notre bain d’hier ? On ne s’est aperçu de rien chez toi ? Voilà ce que je voudrais savoir bien vite, et ce qu’il me faudra attendre encore longtemps en supposant que le temps ne s’oppose pas à ce que je coure au devant de toi. Pour moi, il me reste un malaise général, des coliques et un violent mal de tête que j’ai la bonhomieb d’attribuer à l’incident d’hier. Du reste, j’ai ce matin la figure bouffie, pâle, tirée et tiraillée qu’on croirait que j’ai 50 ans, heureux effetc de la fontaine de Jouvence dans laquelle nous nous sommes trempés. Mais la fraîcheur que je n’ai pas sur la figure, je l’ai dans le cœur. Tout s’est réfugié là pendant cet affreux orage. Aussi je t’aime encore bien plus. J’ai la joie et l’amour dans le cœur et si j’étais bien sûre que tu n’as rien toi, je serais jaie, très jaie [1].
Je me suis levée plus tard qu’à l’ordinaire ce matin parce que, ma nuit ayant été un peu agitée, j’ai voulud rattraper le temps perdu. Dans ce moment-ci, on est occupé à réparer le SINISTRE D’HIER. Je crois cependant que j’aurai bien du mal à faire de mon chapeau un chapeau neuf. Mais en revanche, il m’est très facile de faire de mes souliers neufs des savatese ravissantes. Voilà à peu de chose près la physionomief que présente la pauvre Juju et sa maison ce matin. Elle voudrait bien pouvoir aller au devant de toi mais le temps est bien mouzon.
Dans le cas où il ne se dériderait pas à midi, à la place de mon corps je t’envoie mon âme et ma pensée. Tu les trouveras en chemin.

BnF, Mss, NAF 16324, f. 298-299
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « ressentie ».
b) « bonhommie ».
c) « heureuse effet ».
d) « voulue ».
e) « de savattes ».
f) « phisionomie ».


Aux Metz, vendredi soir [25 septembre 1835], 7 h. ½

Mon bon chéri, j’ai été bien tourmentée et bien malheureuse les deux heures où je t’ai attendua tantôt. Mais depuis que je t’ai revu, je suis bien tranquille et bien heureuse, à part cette tristesse inévitable qui arrive lorsque je te quitte car ton absence est la nuit de mon jour. À part cette tristesse, je suis heureuse, je suis ravie, car je pense qu’il t’est impossible, du moins pour le moment, de douter de la sincérité et de la solidité de mon amour.
Je suis rentrée à six heures un quart à la montre d’Hyacinthe, qui avance de 10 minutes comme tu sais. Je me suis déshabillée, j’ai rangéa mes affaires, j’ai lub, j’ai dîné, je t’écris et je t’aime pendant tout ce temps-là comme si tu étais là et encore plus. Mon cher bien-aimé, j’espère que le temps ne s’opposera pas à ce que j’aille au devant de toi demain et que nous serons moins malencontreux cette fois qu’aujourd’hui où nous nous sommes vus sans nous voir.
Je serais bien contente si tu pouvais prendre un moment sur tes conversations pour m’écrire un bout de quelque chose, quoi que ce soit ça, ffff ou ça !!!!!!!, pourvu que ce soit ta belle petite main qui l’ait gribouillée à mon intention.
Mon Victor, mon bien-aimé, tu ne sauras jamais comment je t’aime et combien je t’aime, mon pauvre ange. Repose-toi. Je t’aime.

BnF, Mss, NAF 16324, f. 300-301
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « je t’ai attendue ».
b) « j’ai rangée ».
c) « j’ai lue ».

Notes

[1Prémices du « je suis geaie » que Juliette emploiera de nombreuses fois.

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