Guernesey, 15 juillet 1860, dimanche matin, 8 h.
Bonjour, mon cher bien-aimé, bonjour mais pas beau jour, hélas ! car il pleut d’une façon décourageante pour tous les êtres qui ne sont ni poissons ni grenouilles. Quant à toi, mon cher petit Lézard, je te plains de tout mon cœur de cet affreux été mouillé, nébuleux et transi. J’espère que tu as passé une bonne nuit, mon cher petit homme et que tu n’as pas mal à la tête, ce matin. Si par HASARD il faisait un peu de soleil et de sec tantôt nous pourrions errer un peu sur la colline après la visite de ces messieurs les Citoyens photographes [1]. Du reste je ne crois pas que leur projet pour ce qui regarde ma chambre soit très sérieux. C’est plutôta un prétexte à visite qu’autre chose. Après leur abstention bêtasse pour ce qu’ils te devaient de devoirs et de respect, ils veulent maintenant se prodiguer sans rime ni raison même à moi qui leur suis inconnue. Je ne leur en suis pas autrement reconnaissante car je sens que Kesler a du les pousser à cette démarche dans une bonne intention de flânerie à DOMICILE. Mais comme cela ne peut pas avoir d’importance d’aucune manière et que cela ne peut pas nous déranger beaucoup, cela importe peu, en somme. Ce qui importe, mon bien-aimé, c’est que tu te portes bien, c’est que tu sois heureux, c’est que nous soyons toujours ensemble et le plus près l’un de l’autre possible et que mon dernier mot en cette vie soitb JE T’AIME.
BnF, Mss, NAF 16381, f. 185
Transcription d’Amandine Chambard assistée de Florence Naugrette
a) « plus tôt ».
b) « sois ».