Guernesey, 5 juin 1860, mardi 7 h. du m[atin]
Bonjour mon cher petit matineuxa, bonjour. Est-ce que tu n’as pas bien dormi que ta fenêtre était tout grande ouverte à six heures et demie ce matin ? J’espère que non et que c’est seulement pour rafraîchir ta chambre et ta pauvre tête toujours en feu que tu as ouvert si matin. Quant à moi j’ai assez mal dormi mais je ne souffre pas, voilà l’essentiel. D’ailleurs je veux me bien porter pour assister à ton triomphe mercredi en huit [1]. C’est bien le moins ; je le répète, et sans la moindre ambition historique, qu’AYANT ÉTÉ À L’AFFRONT JE SOIS À L’HONNEUR. J’espère que le bûcher n’en sera pas la conséquence plus tard et dans tous les cas je l’accepte pour le triomphe de tes idées et pour ta gloire éternelle. Quant à Kesler, il est impossible d’être plus muettement hostile et plus malheureux de cette tardive mais éclatanteb réparation personnelle à toi faite par tous les Jersiais repentants. Il faut que la mauvaise nature du bonhomme soit bien indomptable pour oser se montrer de cette façon et à cette occasion. En revanche Marquand jubile et moi je te bénis. Cher adoré, tout m’est un prétexte pour t’aimer et pour t’adorer et pour te vénérer partout et toujours. C’est te dire combien je serai heureuse mercredi prochain.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16381, f. 132
Transcription d’Amandine Chambard assistée de Florence Naugrette
a) « matineu ».
b) « éclante ».