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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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17 mars 1853

Jersey, 17 mars 1853, jeudi matin 8 h.

Bonjour, mon Victor, bonjour, mon trop aimé, bonjour. Comment vas-tu ce matin ? J’espère que [tu] n’auras pas été malade hier et que tu auras bien dormi cette nuit, mais je ne serai vraiment consolée et tranquille que lorsque je t’aurai vu et que j’en serai bien sûre. Jusque-là je ne serai pas tranquille et je me reprocherai de t’avoir fait du mal involontairement. Il est effrayant pour moi de penser que ces incidents douloureux peuvent se reproduire et s’envenimer au moment où nous nous y attendons le moins. Cette pensée m’est odieuse et je suis prête à tout pour empêcher que la scène d’hier ne se renouvelle sous aucune forme et surtout sous le même prétexte. Ne vaudrait-il pas mieux, puisque cette fille [1] vous convient, que vous la preniez tout de suite sans attendre qu’elle me force à la renvoyer et que tu me fasses cette espèce d’injure personnelle, en apparence, de me désavouer dans le respect que je suis en droit d’exiger et de donner gain de cause publiquement à tort et aux mauvais procédés de cette fille ? Il me semble, puisque tu tiens au service de cette fille pour toi personnellement, qu’il serait plus simple que tu la prissesb, non pas comme une transfuge à laquelle tu accordes la protection et l’estime qu’elle ne mérite peut-être pas, mais comme une servante qu’on te recommande pour ce qu’elle vaut et dont le service sera peut-être suffisant. Du reste, mon Victor, si tu crois qu’il vaut mieux que cela se passe autrement tu en es le maître. Je suis trop malade, trop découragée et je t’aime trop pour lutter avec ta volonté quand bien même elle me blesserait dans ma dignité et dans ma susceptibilité MALADIVES.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16373, f. 269-270
Transcription de Bénédicte Duthion assistée de Florence Naugrette et Gérard Pouchain

a) « que n’auras pas été »
b) « prisse ».


Jersey, 17 mars 1853, jeudi midi ½

C’est fini, mon bien-aimé, le sourire est revenu, la douleur a disparua, les nerfs se sont calmés, je ne souffre plus, je t’aime. Je me laisse conduire par toi sans résistance, avec confiance, avec reconnaissance et avec bonheur. Fais ce que tu voudras de moi. Si tu m’aimes et si tu es heureux je suis heureuse et le but de mon ambition est atteint. Maintenant, mon adoré petit homme, c’est à mon tour de te faire de tendres recommandations et de te supplier de ménager ta santé et ta vie dont tu dois compte à l’humanité tout entière, sans parler de ceux qui t’adorent de tout près, sans parler de moi dont tu es l’âme et le bonheur. Maintenant ce n’est plus de moi que viendrontb le malheur et le chagrin de notre vie, ce sera de toi seul, comme c’est de toi seul et avec toi seul que je veux, que je peux être heureuse. Pour cela il faut d’abord que tu te portes bien, que tu sois bien content et que tu m’aimes de tout ton pauvre petit cœur. L’amour, selon qu’on sait bien ou mal s’en servir, est ou le plus divin des baumesc, ou le plus subtil des poisons. Je veux que le mien te guérisse et te fasse vivre bien au-delà de la vie ordinaire et autant que tu voudras. Je commence dès à présent en t’adorant de toutes mes forces.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16373, f. 271-272
Transcription de Bénédicte Duthion assistée de Florence Naugrette et Gérard Pouchain

a) « disparue ».
b) « viendra »
c) « beaumes ».

Notes

[1La domestique Suzanne ? Ou une autre domestique ?

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