Guernesey, 27 juin [18]70, lundi matin, 6 h.
Comment as-tu passé la nuit, mon pauvre grand agacé ? J’ai peur que ta réponse ne soit rien moins que satisfaisante aussi j’ai le cœur tout gros ce matin. Je donnerais bien des choses pour que tu sois hors de tes ennuis domestiques [1]. Pour ma part je ferai tout ce que tu voudras pour en simplifier la complication et Suzanne se multipliera pour que le service de ta maison en souffre le moins possible. L’important, mon pauvre génie de peine, c’est que tu ne te fasses pas de mal à force d’impatience comme tu l’as fait hier. Tout cela en somme cessera le jour où tu le voudras sérieusement. En attendant ta ravissante petite Jeanne commence à te montrer des petites dents, c’est-à-dire la place dans le plus adorable sourire. C’est plus qu’il n’en faut pour effacer les embêtements de la vie. Pour ma part je m’en contente pourvu que je te sente tranquille et heureux. J’espère que tout s’arrangera bien, pardonne-moi mon rabâchage qui revient sans cesse. Je t’aime, je suis inquiète et je t’adore. Je voudrais être à tantôt pour être bien sûre que tu ne souffres pas et que ta nuit n’a pas été trop mauvaise.
BnF, Mss, NAF 16391, f. 177
Transcription de Jean-Christophe Héricher assisté de Florence Naugrette