Guernesey, 9 juin [18]70, jeudi matin, 6 h.
Bonjour, mon grand adoré, Bonjour, petits et grands Hugo [1], bonjour, soyez tous bénis et heureux autant que je vous aime. J’espère que vous avez tous dormi à poings fermés comme moi-même. Quel régal tu nous as donné hier en lisant ton splendide et formidable TURBA [2] ! Ton Charles rayonnait d’admiration autant que de tendresse et j’ai surpris plusieurs fois des larmes dans ses grands yeux noirs pendant que tu lisais. Et ton petit Georges, quel amour ! Avec quel désintéressement il a distribué sa boîte de dragées baptismales ! Et ta petite Jeanne, quel ange de douceur et de grâce ! Voilà le bonheur sous sa forme la plus ravissante et la plus innocente aussi. Je tâcherai de voir Peter aujourd’hui pour lui commander la voiture pour samedi prochain dans les conditions convenues entre toi et lui. Je crains qu’ayant si peu de voitures à leur disposition, et les pique-niquea se multipliant dans cette saison, il ne te manque souvent de parole. Enfin tu verras bien. En attendant je te donne mon âme toute entière.
BnF, Mss, NAF 16391, f. 160
Transcription de Jean-Christophe Héricher assisté de Florence Naugrette
a) « piques-niques ».