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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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22 janvier [1838], lundi midi ¾

Bonjour, mon cher petit homme. J’aurais bien des choses à vous dire que je ne vous dirai pas parce que vous ne comprendriez pas et que cela vous ennuierait peut-être. Tâchez, mon petit homme, que je puisse aller demain à Hernani [1]. C’est bien le moins que je puisse vous admirer à la scène puisque je n’ai pas d’autre moyen de vous voir et de vous entendre.
Je deviens de plus en plus stupide, je n’ai pas assez d’esprit et je ne sais pas assez écrire pour me permettre plus longtemps de vous écrire deux fois par jour. Quand vous m’aimiez et que j’étais heureuse, je le pouvais parce que l’amour est indulgent et que le bonheur rend hardiea la plus timide et la plus bête. Mais aujourd’hui que cinq ans de possession vous ont à ce point blaséb sur moi que vous ne trouvez que des prétextes pour vous éloigner de moi et jamais pour vous en rapprocher, vous trouverez bon que je m’abstienne de toutec espèce d’écriture, comme je trouverai aussi très bon que vous n’insistiez pas auprès de moi par pur compliment et formalité. Ainsi mon ami dès aujourd’hui je suspends mes écritures, c’est un parti que j’aurais dû prendre depuis longtemps mais j’espérais toujours que je me trompais. Aujourd’hui je suis sûre que vous êtes le meilleur et le plus généreux des hommes, mais que vous ne m’aimez plus.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16333, f. 11-12
Transcription de Nathalie Gibert-Joly assistée de Gérard Pouchain

a) « hardi ».
b) « blaser ».
c) « tout ».


22 janvier [1838], lundi soir 6 h. ½

Vous mériteriez bien, vieux Toto, que je vous tienne parole, avouez-le, mais je vous promets que ce sera bien la dernière fois que je vous écris si vous ne venez pas cette nuit déjeuner avec moi. C’est qu’aussi c’est par trop cénobite ce jeûne prolongé, et je vous préviens que je veux me décarêmer cette nuit même. Je vous écris avant le dîner dans le cas où vous me tiendriez la promesse que vous m’avez faite en me quittant. Ce serait bien gentil si nous parlions la soirée ensemble. Il y a si longtemps que cela ne nous est arrivé que ce serait bien bon et bien inattendua si vous me teniez parole. J’ai trouvé Mme Pierceau prête à aller à l’Odéon, cependant elle est restée de très bonne grâce et a été très charmante.
Je t’aime, mon Victor, mais enfin ce n’est pas une raison pour me traiter comme une vieillarde dont on respecte les cheveux blancs. Je veux absolument que vous me déshonoriez. Je le veux ! Je le veux ! Je le veux ! Je l’exige !!! Jour, nono, jour, mon petit o. Je vous aime de toutes mes forces. Je vous adore de toute mon âme. Venez tout de suite et je vous pardonne tous vos trines. Je baise toutes vos perfections c’est-à-dire depuis la pointe de vos cheveux jusqu’à la plante de vos pieds.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16333, f. 13-14
Transcription de Nathalie Gibert-Joly assistée de Gérard Pouchain

a) « innatendu ».

Notes

[1Hernani est repris à la Comédie-Française les 20, 23, 25, 27, 29 et 31 janvier et les 6, 9, 12, 18, 21, 23 février.

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