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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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5 août 1870

Guernesey, 5 août [18]70, vendredi soir, 5 h.

Je sais que tes enfants ont décidé d’aller à Jersey demain et je sens que tu en esa triste. Je compte sur le sourire de Jeanne pour dissiper le noir que va faire dans ta vie l’absence de ton Charles et de Petit Georges [1]. Quant à moi, je voudrais à force d’amour te masquer la disparition momentanée de ces deux êtres lumineux, dussé-jeb mettre mon cœur en morceaux. Ce ne sera pas la faute de Petite Jeanne, ni la mienne, si nous ne te faisons pas attendre leur retour sans trop d’impatience. J’espère que tu as pensé à recommanderc tes cartes et tes guides du Rhin et de la Moselle à ton fils afin qu’il ne les perde ni ne les oublie à Jersey. Quant à moi, je n’en réponds plus à partir de ce matin. Je me délecte déjà de la pensée des beaux articles qui vont sortir de ce tête à tête de ton Charles et de ces bouquins hiéroglyphiques, car c’est affaire à lui quand il s’y met [2]. Malheureusement pour les gourmets de son esprit et de son talent, il ne s’y met pas assez souvent. J’ai lu tantôt un bel et bon article de ton fils Victor qui, lui aussi, nous fait trop souvent tirer la langue [3]. Enfin, il faut savoir se contenter de ces trop peu, tous merveilleux, c’est ce que je fais en les admirant (tes fils) et en les aimant à travers mon adoration pour toi.

BnF, Mss, NAF 16391, f. 213
Transcription de Anne-Estelle Baco assistée de Florence Naugrette

a) « est ».
b) « dussai-je ».
c) « reccommander ».

Notes

[1Charles Hugo, sa femme Alice Lehaene et leur fils Georges doivent repartir le lendemain pour Jersey. Ils étaient à Hauteville House depuis le 11 juillet précédent. Jeanne reste avec Hugo et Juliette.

[2Dans sa lettre du 5 août 1870 à Auguste Vacquerie, Victor Hugo fait mention d’un article que Charles doit écrire sur Trêves : « Charles va demain à Jersey pour quelques jours. Il va vous envoyer un article sur Trèves qui, je crois, fera grand effet. Trèves est aujourd’hui le point où tous les yeux vont se fixer. » Leur départ ayant été décalé au 9 août suivant et le journal ayant été interdit le lendemain, l’article n’est jamais paru.

[3Journal Le Rappel, le 1er août 1870, « L’unité germanique », François-Victor Hugo : L’article dénonce l’attitude protestataire de l’Empire français vis-à-vis des actions unificatrices de la Prusse en Allemagne. Par une démonstration historique, François-Victor Hugo rappelle que l’unité allemande est une volonté forte exprimée par le peuple aux premières heures des révolutions de 1848, que le sentiment national et patriotique est ancré et que le roi prussien, Guillaume Ier, n’est que « l’exécuteur testamentaire » de ce souhait rejeté en 1849 par le roi Frédéric-Guillaume IV en refusant la couronne du Parlement de Francfort. De plus, le journaliste fait remarquer qu’il serait absurde de refuser l’unité allemande quand en 1859 la France célébrait l’unité italienne : « Faut-il donc que l’héroïsme de nos soldats, qui a fait de l’Italie une patrie, empêche l’Allemagne de rester une nation ! »

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