Guernesey, 17 juillet, [18]70, dimanche soir, 5 h.
Je sais par Henriette que tout va bien chez toi, mon cher bien-aimé, et j’en suis bien contente. Quant aux NOUVELLES, je compte sur toi pour m’en apprendre pour peu que tes reporters aient trouvé à qui parler au bateau ce matin [1]. Voilà un temps qui ne flaire pas soleil pour demain, ce qui me mettrait dans un fier embarras, car j’ai compté sur l’excursion extra muros de ton goum [2] pour demain et les jours suivants et je n’ai fait acheter aucune provision au-delà du déjeuner du lundi. Cela étant, je ne sais pas comment je pourrai m’en tirer au dîner vis-à-vis tes douze dévorants. D’y penser j’en ai la chair de poule mais cela ne suffira pas à les rassasier. Aussi, je fais des vœux pour qu’il ne pleuve pas, à moins que ce ne soit des alouettes rôties. Est-ce que tu ne devais pas lire aujourd’hui [3] ? Hum ! J’ai bien peur que cette belle promesse ne soit un leurre, ne pas lire beurre, et que nous n’en soyons tous pour notre courte joie. Je ne veux pas prendre l’initiative de t’en faire souvenir dans la crainte de te désobliger mais je ne serais pas bien fâchée si quelqu’un la prenait, tant pis je vous adore.
BnF, Mss, NAF 16391, f. 194
Transcription de Anne-Estelle Baco assistée de Florence Naugrette