Guernesey, 11 juillet, [18]70, lundi, 1 h. ¾, après-midi
Je te remercie, mon cher grand bien-aimé, de m’avoir envoyé tout à l’heure ta douce et ravissante petite messagère [1] ; mais quel malheur qu’elle soit ainsi dévorée toutes les nuits par les hideuses punaises de Mme Chenay [2] ! Tout son pauvre petit corps est couvert des dégoûtantes morsures de ces infâmes bêtes, c’est une pitié. Heureusement que le supplice de cette chère petit fille finit ce soir, car on m’assure qu’il n’y a aucune vermine dans la nursery. Hélas ! Que ne puis-je changer, moi aussi, non de chambre, mais de rôle. Le mien commence à m’inquiéter sérieusement et je voudrais bien pouvoir m’en aller au lieu de le continuer à mes risques et périls… Je continue mon gribouillis par un autre merci, mon bon et adorable bien aimé, pour les bonnes paroles d’encouragement que tu viens de me dire à l’instant même. Je tâcherai que Suzanne les justifie et moi aussi. En attendant, je fais tous mes efforts pour reprendre un peu de cette crânerie que j’avais loin du danger. Pour cela je n’ai qu’à penser à toi et à Petite Jeanne dont l’indulgence m’est aussi précieuse que la tienne. Vlan, c’est fait ! Je sens que je remonte sur ma bête : Confiance ! Confiance ! Confiance [3] ! Tant pis pour les difficiles. Quanda on fait ce qu’on peut, on fait ce qu’on doit et je t’adore.
BnF, Mss, NAF 16391, f. 189
Transcription de Anne-Estelle Baco assistée de Florence Naugrette
a) « Quant ».