Bruxelles [1] 12 mai [18]70, jeudi matin 6 h. ½
Bonjour, mon pauvre grand adoré, bonjour. Quelle nuit as-tu passé ? Je suis obsédée de la pensée que tu as encore eu une mauvaise nuit et j’en suis très malheureuse. D’autant plus malheureuse que j’ai dormi comme une marmotte toute la nuit. Je ne me pardonnerais ce pionçage bête que si tu es dans le même cas que moi. Je donnerais tout au monde pour que tu aies de bonnes nouvelles de Bruxelles [2] aujourd’hui et de plus rassurantes sur le Rappel. Nous avons, je te demande pardon pour ce nous impertinent, eu déjà à son sujet, dans les premiers mois de sa radieuse naissance, des alarmes aussi chaudes que celle-ci et dont il est sorti avec tous les honneurs de la guerre. Espérons qu’il en sera de même cette fois encore et qu’il [3] se tirera des embûches du Bonaparte et de son auguste police. Je te supplie de ne pas t’en tourmenter car je suis sure que tout s’arrangera pour le mieux, y compris tes embêtements de domestiques, dont je me charge pour la plupart. Henriette sera à son poste tantôt et moi au mien cœur et âme sous les armes.
BnF, Mss, NAF 16391, f. 131
Transcription de Jean-Christophe Héricher assisté de Florence Naugrette