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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Guernesey, 10 novembre 1860, samedi matin, 8 h. ½

Bonjour, mon grand, mon ineffable bien-aimé, bonjour, mon pauvre souffrant adoré, bonjour. Comment as-tu passé la nuit ? Comment va ta gorge ce matin ? Comment va ton amour pour moi ? Je suis impatiente de savoir tout cela et je serai tourmentée tant que je ne t’aurai pas vu. Cependant je te conseille si tu vas bien et si tu n’as pas besoin de bain de pied ce matin, de rester chaudement dans ton lit le plus tard possible. Le temps est si noir et si froid qu’il serait prudent à toi de ne pas sortir des maisons bien closes et bien chaudesa, comme la tienne et la mienne. Quant à moi, je suis de plus en plus ennuyée d’être forcée de dînerb hors de chez moi ce soir [1]. Cette pauvre Mme Engelsonc a bien mal pris son temps pour m’inviter SEULE et il ne faut rien moins que la sympathie et la déférence qu’elle m’inspire pour me soumettre à l’obligation tyrannique de dîner chez elle aujourd’hui. Une autre fois je serai moi-même plus réservée dans mes prévenances de politesse pour n’avoir pas à les rendre ensuite coûte que coûte. En attendant, mon pauvre adoré bien-aimé, je voudrais bien que le petit malentendu de jeudi soit le dernier entre nous [2]. Je te promets de faire tout mon possible de mon côté pour ne pas te déplaire ; et puis je t’aimerai tant, tant et tant qu’il faudra bien que tu te rendes à l’évidence ou je vous ficherai des bons coups. Jusque-là je vous adore comme si j’avais le diable au corps et je défie les ALPHONSINES [3] passées, présentes et futures d’en faire autant. Tous leurs amours bout à bout et [surposés] n’iraient même pas à la cheville du mien.

BnF, Mss, NAF 16381, f. 290
Transcription d’Amandine Chambard assistée de Florence Naugrette

a) « chaude ».
b) « diner ».
c) « Enguelson ».

Notes

[1Hugo note le 10 novembre 1860 : « 10. JJ. a dîné pour la 1ère fois chez Mme Engelson. » (CFL, t. XII, p. 1349.)

[2Dans la nuit du 10 au 11 novembre 1860 Victor Hugo exprime son angoisse à la pensée de la mort de Juliette : « Quoi donc ! La perdre ! ». (CFL, t. XII, p. 1644.)

[3Juliette fait de Mme Alphonsine un terme générique pour désigner ces femmes coquettes dont elle est jalouse.

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