Guernesey, 21 octobre 1860, dimanche 8 h. du m[atin]
Bonjour, mon cher bien-aimé ; bonjour, je t’aime et je te souris et je te baise de l’âme, du cœur et de la pensée. Comment vas-tu ce matin, mon cher petit homme ? As-tu bien dormi toute la nuit ? Moi j’ai presque bien dormi et je me sens très bien ce matin. J’espère qu’il en sera de même pour toi quand je te verrai tout à l’heure. En attendant, je suis très contente d’avoir mis un peu d’ordre dans tes papiers hier. Mais je ne seraia tout à fait tranquille que lorsque je les tiendrai tous sous la main dans un seul meuble car s’il arrivait que le feu [1] prenne chez moi je ne sais pas comment je ferai pour sauver tes précieux manuscrits disséminés comme ils le sont à tous les étages de la maison et dans toutes sortes de malles, de caisses et de cartons. J’espère que Dieu ne me mettra pas à cette épreuve-là car je ne sais pas comment je m’en tirerais dans les conditions où se trouvent mes aménagements intérieurs dans ce moment-ci. Cependant je suis riche, j’ai BEAUCOUP D’ARGENT à moi [2]. Qu’est-ce donc qui m’empêche de me goberger dans toutes sortes de bric-à-bracs commodes et splendides. Je vous le demande à vous-même : THAT IS THE QUESTION ? En attendant que vous y répondiez… d’une manière satisfaisante je vous recommande de surveiller votre propre maison et de ne pas vous en rapporter entièrement à vos domestiques et je vous supplie de m’aimer un peu pendant que je vous adore de toutes mes forces et de tout mon cœur.
BnF, Mss, NAF 16381, f. 276
Transcription d’Amandine Chambard assistée de Florence Naugrette
a) « sera ».-