Guernesey, 17 août 1860, vendredi, 8 h. du soir
Cher adoré bien-aimé, je ne veux pas laisser passer cette journée sans te donner ma chère petitea restitus empêchée ce matin par l’incident du toc-toc de ma gouttièreb intérieure. Tu sais comment s’est passé le reste de ma journée terminée par notre ravissante petite promenade. C’est pourquoi je t’écris si tard. J’ai vu Mme Allez qui m’a promis de faire commencer le plancher la semaine prochaine [1]. Je te passe toutes ses doléances et tous ses gémissements mais je pressens pour le renouvellement de mon bail beaucoup de tirage. Il sera temps du reste d’y arriver quand nous y serons. En attendant il paraît que tu venais de t’en aller quand je suis revenue chez moi. Suzanne m’a assuré que tu ne pourrais pas être encore à ta maison. Si j’avais pu prévoir que tu t’attarderais à écrire, ou je ne serais pas allée chez la susdite Mistress Allez, ou j’en serais revenue plus tôt pour te revoir encore une fois avant ton dîner. Te voir, t’entendre, être avec toi toujours, c’est la joie de mes yeux, le bonheur de mon cœur, le paradis de mon âme. Aussi j’ai été bien contente de n’avoir pas trouvé chez elles toutes les Duverdières [2] vieilles et jeunes tantôt. Nous en avons profité pour faire notre chère petite promenade EXTRA habituelle. En quelque endroit que nous allions et par quelque temps qu’il fasse je suis si heureuse d’être avec toi qu’il me semble que je suis dans un Eden et que mon âme a des ailes. Je t’adore.
BnF, Mss, NAF 16381, f. 216
Transcription d’Amandine Chambard assistée de Florence Naugrette
a) « petit ».
b) « goutière ».