Guernesey, 8 décembre, [18]65, vendredi matin, 7 h. ¾
Tu viens de m’échapper, mon cher petit homme, et pourtant je te guettais avec attention malgré le vilain brouillard qu’il fait en ce moment. J’ai tout lieu de croire, puisque tu es déjà levé, que tu as passé une bonne nuit et je m’en réjouis de tout mon cœur. J’espère que ta gorge aussi va mieux car tu ne t’en plaignais pas hier [1]. Donc HEP, HEP, HEP et HOURAH et ZOZO D’EMS [2]. Sur toute la ligne !!!!! À propos de LIGNE, j’espère qu’elles poussent drues et serrées sur ton prodigieux livre [3] ! Elles en sont inspirées, imprégnées, parfumées et illuminées que s’en est attendrissant, enivrant et éblouissant. Ton livre est la bénédiction de tous les esprits et de tous les cœurs. C’est la lumière et l’amour mis à la portéea de l’humanité. Je t’en remercie pour ma part comme d’un bienfait personnel et je t’adore. Pense à m’apporter ton portrait pour le brave et fidèle Luthereau [4]. Il me semble que les Berru, d’ordinaire si empressés et si bruyants, sont bien indolents et bien silencieux depuis que nous sommes de retour. Peut-être y-a-t-il eu quelque éclipse ASTRONOMIQUE que nous ignorons et dont leur extrême susceptibilité a été froissée. That is the question. Mais ce ne serait pas une raison pour nous en faire un grief, AU CONTRAIRE. Quoi qu’il en soit, ils n’en restentb pas moins d’excellentes gens et voilà l’important. Comment va Sénat ? Que devient la conspiration [BORGIATIQUE ?] dont il est menacé, au dire de tes caméristes [5] ? Tu me diras cela, et bien autre chose encore je l’espère, quand je te verrai tantôt. En attendant, je t’aime comme un chien pas malade. Et je t’adore comme une Juju bien portante.
BnF, Mss, NAF 16386, f. 200
Transcription de Anne-Estelle Baco assistée de Florence Naugrette
a) « porté ».
b) « il n’en reste ».