Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1835 – Lettres datées > Décembre > 10

10 h. ¾ du matin, 10 décembre [1835], jeudi

Bonjour, mon adoré, bonjour, cher petit ange. Je t’écris bien tard mais c’est que j’ai beaucoup souffert cette nuit, et que je souffre encore beaucoup à présent. A peine as-tu été parti que j’ai eu des coliques à croire que j’étais empoisonnée. Mais la bonne, à qui j’ai demandé si elle avait eu des coliques dans la nuit, m’a répondu que non. Il faut bien que j’accepte les miennes pour moi seule. J’ai beaucoup souffert, et pendant plus d’une heure. Enfin, je me suis endormie en pleurant et chaque fois que je me réveillais, je sentais les mêmes douleurs à l’horizon. Je me suis levée ce matin pour ouvrir la porte et aussitôt mes coliques m’ont reprisea avec autant d’intensité qu’hier dans la nuit. Je commence à croire que le froid y est pour quelque chose. Je viens de me faire des remèdes. Nous verrons l’effet qu’ils me feront.
Je te demande pardon, mon cher petit homme, de t’écrire toutes ces bêtises-là, mais tu veux toujours être instruit de tout et j’ai cru que j’étais obligée de te donner tous ces détails.
Mon cher adoré Toto, je vous aime, je vous adore, vous le savez bien. Et vous savez bien aussi que je compte avec tristesse toutes les minutes qui s’écoulent loin de vous. Faites donc tout votre possible pour que je vous voie plus tôt qu’à l’ordinaire. Et je serai bien contente et bien heureuse, et je n’aurai plus de bobo, et je serai bien geaie, et je vous baiserai cent mille millionsb de fois sur vos belles joues antiques et sur votre jolie bouche rose et partout où je trouverai la place d’un baiser.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16325, f. 201-202
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « m’ont reprises ».
b) « cent mille million ».


10 décembre [1835], jeudi soir, 8 [h.] ¾

Je vous écris avec du papier tout neuf, avec une plume toute fraîche taillée, et avec un cœur tout pris d’amour pour vous, mon cher petit Toto adoré. Vous êtes bien bon, bien bon d’être venu de bonne heure aujourd’hui ; et de ne vous en être allé que passéeb l’heure ordinaire. Si vous saviez la joie que vous avez causéeb à votre pauvre victime…cVous seriez bien content de vous.
Comme l’appétit vient en mangeant surtout en amour, je désire que vous terminiez dignement la journée en venant tout de suite après votre dîner. Si vous faisiez cette bonne action, je ne sais pas ce que je ferais de miraculeux pour vous témoigner ma reconnaissance. Je ferais tout ce que vous voudriez  : j’espère que je ne lésine pas en fait de récompense.
Mon cher chéri petit homme, je vous aime tous les jours plus. Je voudrais avoir toutes les bouches du monde pour vous le dire et ce ne serait pas encore assez. Je voudrais avoir tout l’esprit du monde pour vous dire combien je vous admire et ce ne serait pas trop. Enfin, je déraisonne de toute la force de mon amour parce que rien ne porte plus à la tête que ce genre d’enivrement.
Si vous êtes bien amoureux, vous viendrez tout de suite. Si vous êtes bien bon, vous me plaindrez dans le temps que vous serez absent, et si vous êtes bien sage, vous ne travaillerez pas cette nuit puisque cela vous donne des coliques. Enfin, vous ferez tout ce que je voudrai et vous serez où je vous désire. Auprès de moi.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16325, f. 203-204
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « passer ».
b) « causé ».
c) Des points de suspension courent jusqu’au bout de la ligne.

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne