Guernesey, 31 janvier [18]70, lundi, 2 h. après midi
Je me ravigote avec ta chère pensée, mon grand bien-aimé, et je tiens en bride rhume et rhumatisme avec l’espoir de te donner un bon dîner ce soir et de te gagner tous tes sous. Il faudra que j’aie bien du malheur si je ne décroche pas au mât [1] d’aujourd’hui au moins une de ces deux bonnes chances. En attendant je tâche d’épuiser mon rhume le plus possible d’ici à ce soir en éternuant, en toussant et en grelottant, de façon à ce qu’il n’ait plus la force de se montrer quand tu seras là. Je sais que le duc [2] d’en face va admirablement bien et qu’il se marie plus que jamais. Grand bien lui fasse et à son amante aussi. Pourvu que je ne sois pas de la noce, c’est tout ce que je demande. Je te réserve toutes mes joies avec tout mon amour. Je ne vis que par toi et pour toi.
BnF, Mss, NAF 16391, f. 32
Transcription de Jean-Christophe Héricher assisté de Florence Naugrette