Guernesey, 6 avril [18]68, lundi matin, 6 h. ½
J’ai espéré un moment, mon cher bien-aimé, que j’allais avoir la chance de te voir accrocher ton signal ; mais, le temps seulement de me retourner de la fenêtre à la cheminée, tu avais déjà paru et disparu et j’en suis pour ma fausse joie ; attrapée ! Il est vrai qu’il me reste comme consolation mon mélodieux et suave coryzaa. Avec cela, et beaucoup de mouchoirs de poche, on peut filer des jours agréables sans compter les nuits. À propos de nuit, j’ai craint tout à l’heure en ne voyant pas le signal que tu n’aies pas bien dormi mais maintenant je suis plus tranquille. Nous verrons tantôt si j’ai raison. Quant à moi, j’ai très peu dormi, ce qui ne m’étonne pas car, outre la difficulté de respirer, j’ai eu des douleurs intolérables dans le bras droit principalement. Heureusement que j’y suis faite et puis j’espère me rattraperb la nuit prochaine. En attendant, voici un gribouillis encore plus bête que de coutume, ce qui n’est pas peu dire, mais je ne vous plains pas car vous avez tant et tant d’aimables compensations de tous genres : de Brique et de Brockc [1], de Tilleule [2] et de Marquande [3], de Rousbyd et de *** que vous pouvez bien vous embêter un peu avec moi.
BnF, Mss, NAF 16389, f. 98
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette
a) « corizza ».
b) « me rattrapper ».
c) « Broke ».
d) « Rosby ».