Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1852 > Mai > 24

24 mai 1852

Bruxelles, 24 mai 1852, lundi matin, 8 h.

Bonjour, mon ineffable bien-aimé, bonjour avec tout mon cœur et toute mon âme, bonjour. Je ne sais pas si je te verrai aujourd’hui mais je sais que je suis pleine de courage, de patience et de confiance. La pensée que vous êtes tous heureux, mes pauvres chers aimés, suffit pour me rendre le devoir léger et facile. Aussi ne t’inquiète pas de moi. Reste tout entier au bonheur de revoir ta pauvre sainte femme, que je vénère et que j’admire à travers mon amour pour toi [1]. S’il te reste un moment dont tu puisses disposer sans la priver d’une joie ou d’une consolation, donne-le-moi et j’en ferai le bonheur de ma vie. Mais si tu ne le peux pas je t’assure que je suis bien résignée et bien forte et que je n’aurai aucune amertume dans le cœur.
J’espère que la fatigue d’hier aura tout à fait disparu et que vous pourrez faire quelques excursions intéressantes dans la ville en supposant qu’il vous reste beaucoup de temps après celui de tout vous dire depuis si longtemps que vous êtes séparés. Pardonne-moi, cher adoré, de m’immiscer dans votre intimité à ce point. Ce n’est pas curiosité encore moins indiscrétion, c’est le besoin de vivre de votre vie, de me réjouir de vos joies, de partager vos douleurs puisqu’il ne m’est pas donné de vous en préserver, c’est le besoin d’étendre sur tout ce que tu aimes le trop plein de mon amour pour toi. Mon Victor béni, sois heureux, mets le temps bien à profit et pense à moi du fond de ton bonheur.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16371, f. 67-68
Transcription de Bénédicte Duthion assistée de Florence Naugrette


Bruxelles, 24 mai 1852, lundi midi

Je te souris, mon petit homme, je te parle, je t’espère, je t’attends, je t’adore. Si tu pouvais voir mon cœur dans ce moment-ci, tu serais bien fier et bien heureux pour tout ce qu’il contient de beau, d’honnête, de pur, de dévoué et de tendre pour vous tous, mes sublimes persécutés. Un jour viendra peut-être où je serai assez heureuse pour vous en donner des preuves irrécusables. En attendant, il faut que je me résigne à vous aimer en dedans comme par le passé. Je me suis aperçue trop tard que j’avais oublié d’envoyer une troisième fourchette. Demain, je réparerai cette sottise, mais j’espère que les tabatières y auront suppléé aujourd’hui par une fourchette à elles [2]. Je voudrais savoir aussi si le déjeuner a été suffisant et s’il a plu à ta femme. Peut-être est-elle dans l’habitude de prendre du café ou de la soupe le matin en se levant. Dans ce [cas] là il serait très facile de lui en envoyer. Cher petit bien-aimé, mon cœur va au-devant de tous ces petits détails puérils à défaut d’autres occasions d’exercer ma bonne volonté d’être utile. Si tu peux venir tantôt sans déranger aucun projet agréable, j’en serai bien heureuse. Mais, d’ici-là, je vais me mettre à COPIRE, c’est ma suprême consolation à ton absence. Et puis, si tu as besoin d’argent, j’ai enfin réussi à faire changer le billet de mille francs. Voilà, mon cher petit homme, avec tous les désirs de mon cœur, toutes les espérances de mon âme, la situation de la pauvre Juju qui t’aime et qui t’adore de toutes ses forces.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16371, f. 69-70
Transcription de Bénédicte Duthion assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Mme Hugo fait un second voyage à Bruxelles du 24 au 26 mai pour arrêter avec son mari les dispositions à prendre concernant la vente du mobilier de l’appartement de la rue de la Tour-d’Auvergne.

[2Hugo habite au dessus d’une marchande de tabac.

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne