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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Bruxelles, 17 juillet 1852, samedi matin, 6 h.

Bonjour, mon Toto, bonjour mon cher petit bien aimé, bonjour, quand donc pourrai-je te donner ce cher petit bonjour en NATURE ? Tous les matins, tous les jours, tous les soirs et toutes les nuits se passent à attendre et à espérer un bonheur qui ne vient pas, qui ne viendra peut-être plus jamais. Toutes mes tendresses vont de mon cœur sur mon papier et ne t’arrivent que refroidies et mortes. Un baiser de ma bouche sur la tienne satisferait plus mon cœur que toutes les caresses du monde trempées dans mon encrier. Quand je pense qu’il n’y en aura plus d’autres pour moi maintenant je suis triste jusque dans la moelle de mes os. Dieu me punit impitoyablement par où j’ai trop péché en me laissant survivre à mon bonheur d’autrefois. Pauvre adoré, je ne sais pas pourquoi je te dis tout cela car tu fais tout ce que tu peux, tout ce que tu dois faire pour moi. Ce n’est pas ta faute si mon cœur est en retard de jeunesse et d’amour quand ma carcasse est en avance de vétusté et de décrépitude. C’est bien plutôt toi qui aurais à te plaindre de moi de cette anomalie ridicule. Il faut que tu sois bien bon et bien généreux pour ne pas m’en garder rancune. Va, je te rends bien justice et si je ne peux pas résister au besoin de me plaindre d’un état de chose qui ne dépend pas de toi, c’est que l’âme comme le corps cherche à se soulager quand elle souffre par des cris de douleurs. Mon Victor bien aimé, mon amour béni, je t’aime avec vénération, avec admiration, avec adoration. Je ne voudrais pas t’aimer moins même au prix de tous les bonheurs du monde. Je baise tes chers petits pieds.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16371, f. 173-174
Transcription de Bénédicte Duthion assistée de Florence Naugrette


Bruxelles, 17 juillet 1852, samedi matin, 11 h.

Quelle journée rissolante, mon cher petit homme, et que devenir dans cette fournaise quand on n’est pas de la nature des salamandres ? Quant à moi je ne sais où me fourrer pour échapper à cette chaleur de plomb fondu. Tout ce que j’ai d’eau et de sang dans le corps s’en va en sueur. Je commence déjà à sentir mes os se fondre tant je bous, je cuis, je rôtis, je me scarifie sous ce soleil de feu. Je crois que j’ai encore plus chaud en pensant que tu t’épanouis dans une atmosphère de braise et de charbons ardents. Je ne sais où me mettre pour avoir un peu d’air. Je ne sais comment faire pour trouver une pensée rafraîchissante. Oh ! ah ! ouf ! sacristia ! nom d’un petit bonhomme ! Mme W. [1] est partie ce matin pour Ostende ; en s’en allant elle m’a chargée de t’embrasser, ce que je ferai pour son compte et pour le mien si vous voulez bien le permettre. En attendant c’est une bonne et charmante femme de moins dans la maison. Il est probable que je ne la reverrai plus, du moins d’ici à très longtemps, mais je garderai toujours le souvenir de sa cordiale hospitalité. Dès que je pourrai t’agripper un autographe et un petit dessin, je les lui enverrai pour la remercier de toutes les bonnes grâces qu’elle a euesb pour moi. Je suis sûre que je la rendrai bien heureuse. Dieu sait quand je pourrai le faire avec les mille millions de choses qui se multiplient tous les jours autour de toi, sous forme de travail, d’affaires, de politique, de devoirs publics et privés, etc., etc….avec lesquels j’ai l’honneur de vous aimer très humblement.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16371, f. 175-176
Transcription de Bénédicte Duthion assistée de Florence Naugrette

a) « sacristie ».
b) « eu ».

Notes

[1Mme Wilmen.

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