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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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7 mars 1852

Bruxelles, 7 mars 1852, dimanche après-midi, 2 h. ½

Mon premier pater noster ce matin, mon petit homme, a été pour votre culotte que j’ai tenue dans mes mains jusqu’au moment où on vous l’a portée. Amen. C’est fini pour cette fois tant bien que mal. Maintenant c’est à votre tour à me rendre culotte pour culotte. Si vous avez du cœur il fait un temps à souhait et quelque courte que soit celle que vous m’offrirez, je l’endosserai avec joie et sans me faire prier.
Quelle alerte hier, mon pauvre adoré, et quel bonheur d’en être quitte pour la peur. Il faut avouer qu’elle a été complète tant cette fille hurlait dans l’escalier. Heureusement, je ne saurais trop en remercier le bon Dieu, ce n’était rien. Mais je profite de ce petit accident pour te faire remarquer combien cette malle délabrée et fermant mal serait insuffisante dans le cas d’un sauvetage à la hâte. Je crois même qu’elle ne pourrait pas supporter un second voyage tant elle est détraquée. Je t’assure qu’à ta place je n’économiserais rien pour une chose aussi précieuse que tes manuscrits et que j’en achèterais une la meilleure et la plus solide que je pourrais trouver. C’est peut-être pour cela que la Providence nous a envoyé hier cet avertissement SANS FRAIS afin que nous ayons à nous pourvoir pour un cas d’une réelle gravité. Mon Victor bien aimé que ta prudence vienne en aide à mon dévouement qui n’a pas de borne pour que ces deux choses bien étroitement unies nous servent à parer à tous les malheurs possibles.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16370, f. 181-182
Transcription de Bénédicte Duthion assistée de Florence Naugrette


Bruxelles, 7 mars 1852, dimanche après-midi, 3 h.

Je n’ai rien de fait encore, je ne suis pas débarbouillée je suis hideuse mais ça m’est égal il faut que je satisfasse mon cœur avant ma coquetterie. Mon Victor si tu savais comme je t’aime et comment je t’aime tu serais bien heureux et tu ne voudrais jamais d’autre bonheur que mon amour.
Comment vas-tu aujourd’hui ? Ta pauvre tête est-elle toujours douloureuse ? Tu devrais profiter du beau temps et sortir au moins une couple d’heures. Il serait absurde, mon pauvre homme que tu te laissasses envahir par les importuns et les désœuvrés encore plus à Bruxelles qu’à Paris. Il me semble que tu n’aurais qu’à lever le siège et à mettre ton chapeau pour te débarrasser sans impolitesse de tous ces braves badauds belgiquois ? Ta santé avant tout. Je ne cesserai de te le dire tant que tu ne feras pas ce qu’il faut pour ne pas souffrir. En attendant tu m’as fait dire par Suzanne que tu viendrais peut-être me voir avant ton dîner. Si cela est je serai bien contente. Si tu ne le peux pas à cause d’un peu de promenade je m’y résigne de bon cœur et loin de t’en vouloir de cette dure privation je t’en remercierai avec reconnaissance parce que ta santé c’est pour moi la vie et le bonheur. Tu ne saurais jamais combien c’est vrai, mon Victor. Je t’aime plus que tout, je t’aime en dehors et en dedans. Je t’aime dans toute l’acception du mot amour vrai honnête et loyal.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16370, f. 183-184
Transcription de Bénédicte Duthion assistée de Florence Naugrette

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