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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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6 mai 1839

6 mai [1839], lundi, 11 h. ¼

Tu as travaillé toute la nuit, mon adoré, et tu n’as pas voulu me donner ton repos après m’avoir donné ta veille. Je suis triste et découragée de voir combien le sort est contraire à notre bonheur : à peine si tu peux me donner trois matinées par mois, je m’entends, pour notre amour, car je ne sais que trop que tu donnes toutes tes nuits à mes besoins. Oh le stupide et misérable JOLY. Si je le tenais, je le plongerais vivant dans la tinette pleine qu’on emporte sous ma croisée dans ce moment-ci.
Il faut cependant, mon Victor, que tu me laissesa la liberté de m’engager où je voudrai, car moins que jamais je supporte la pensée de n’avoir pas un état qui me nourrisse. Je me sauverais plutôt au fond de la Russie que d’attendre plus longtemps à essuyer mes forces sur un théâtre. J’ai la tête perdue chaqueb fois que je fais un retour sur ma position et sur les fatigues et les sacrifices qu’elle t’impose. Je suis bien triste, va, et mes nuits ne sont pas beaucoup meilleures que les tiennes, quoique je sois couchée et toi debout. Donne-moi ta main, mon Toto, et tes lèvres car tout mon désespoir, c’est de l’amour.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16338, f. 131-132
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Florence Naugrette

a) « laisse ».
b) « chaques ».


6 mai [1839], lundi, 6 h. ½

Je vous écris tout de suite, mon ravissant petit homme, pour profiter du jour et en attendant le dîner. D’ailleurs la petite promenade que nous venons de faire ensemble a fait éclore une gerbe de souvenir et d’amour qui éclate au faîtea de ma pensée comme la fleur au faîtea des marronniersb. Je sens le plus merveilleusement du monde l’amour et le bonheur mais je ne peux pas l’exprimer. Plus je t’aime, plus je suis heureuse et plus je suis stupide. Il faut me prendre comme ça, mon Toto, et m’aimer. Je serai toute prête, mon amour, si vous venez me chercher et la plus heureuse femme du monde. Mon Toto, mon Toto, il me semble que je suis encore aux premiers lilas de notre bonheur, toutes les fleurs sont revenues et tous les souvenirs aussi vivaces, aussi parfumés que s’ils étaient éclos de ce matin. C’est que je t’aime comme le premier jour et plus encore car les racines de six ans ont augmentéc le nombre des branches et des fleurs de notre amour. N’est-ce pas que je suis bien bête, mon Toto ? Eh bien, je veux que vous m’aimiez tout de même, c’est bien le moins puisque c’est à cause de vous et que je vous adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16338, f. 133-134
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Florence Naugrette
[Souchon]

a) « fait ».
b) « maronniers ».
c) « augmenter ».

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