Paris, 28 mai 1881, samedi matin
Cher bien-aimé, combien j’aimerais mieux avoir de bonnes nouvelles de ta nuit que de t’en donner de mauvaises de la mienne. J’espère que l’une, la tienne, compensera la mienne qui n’a été qu’une longue et douloureuse insomnie. Je viens de me lever de guerre lasse quitte à me recoucher si je me sens encore plus mal que dans mon lit. Le temps est particulièrement noir et froid ce matin ; mais, d’ici à tantôt, il peut bien redevenira chaud et beau. Tu n’as pas de Sénat aujourd’hui ce qui te permettra d’aller chez Rothschildb si tu veux. J’aurais tant désiré avoir l’honneur et le bonheur, mérités, de mon pur amour et de mon religieux dévouement pour ta personne et pour ta gloire depuis près d’un demi-siècle, avant de mourir, que tu devrais bien prendre sur toi de m’en faciliter le moyen. Il est impossible que tu ne saches pas ce que tu as fait de ces trente-cinq actions à mon nom et dont tu touches la rente régulièrement tous les ans puisque tu sais où sont tes propres valeurs. D’un autre côté, il m’est impossible de te rendre légalement une chose que je ne possède pas entre les mains. Pourquoi, mon bien-aimé, ne pas me donner cette tranquillité et cette satisfaction que je mérite, je le répète, avant de mourir ? Penses-y et ne me fais pas attendre plus longtemps le moyen d’affirmer par un acte légal mon amour et mon désintéressement1.
[Adresse]
Monsieur Victor Hugo
Collection particulière, MLM, 62260 0116/0118
Transcription de Gérard Pouchain
[Charpentreau]
a) « redevir ».
b) « Rottschild ».