Paris, 9 mars1881, mercredi matin, 7h. ½
Cher bien-aimé, je viens d’entendre ta douce voix répondre à mon tendre bonjour en me bénissant et j’en suis aussi émue que si Dieu lui-même avait parlé par ta bouche. Merci, mon adoré bien-aimé, tant que je me sentirai aimée par toi je suis sûre de résister aux attaques des maux qui me harcèlent à qui pire pire.
Je viens de lire de très beaux vers de Clovis Hugues sur toi et sur Théodore de Banville à propos de l’incroyable incartade de ce stupide [illis.] [1]. Il me les a envoyés avec un petit billet charmant. Ce que voyant, je compte lui répondre tout à l’heure de venir dîner avec nous et avec Théodore de Banville ce soir, sans préjudice de l’invitation pour vendredi prochain que je lui avais fait faire par Lesclide ; l’a-t-il fait ? That is the question ? Je remarque, en passant, que l’excellent homme est très brouillon et qu’il oublie souvent les choses dont il se charge, ce qui ne l’empêche pas d’être charmant… et autre.
Il n’y aura Sénat que demain jeudi à trois heures, séance publique. Si tu le veux nous emploierons cet après-midi à lire la partie intéressante de ta correspondance et les journaux d’hier et d’aujourd’hui. Et puis nous nous sentirons nos deux cœurs battre l’unisson.
[Adresse]
Monsieur Victor Hugo
BnF, Mss, NAF 16402, f. 46
Transcription de Caroline Lucas assistée de Florence Naugrette