28 juin [1841], lundi matin, 10 h. ¾
Bonjour mon Toto bien-aimé, bonjour mon adoré petit homme, bonjour, je t’aime de toute mon âme. Pourquoi ne viens-tu donc plus jamais, mon Toto ? Je sais bien que tu travailles, mon Dieu, je ne le sais que trop mais ce sont les quelques heures de repos que tu es forcé de prendre que je voudrais partager avec toi. Je t’assure, mon adorable bien-aimé, que ça n’est pas pour te tourmenter que je te dis toujours la même chose mais c’est que vraiment je ne te vois pas assez. Tu ne peux pas te figurer combien ton absence est une chose difficile à supporter. J’ai beau en user tous les jours et depuis le matin jusqu’au soir je ne peux pas venir à bout de m’y habituer. Chaque minute me semble un siècle.
Voilà près de huit grands jours que tu n’es venu déjeuner avec moi, mon amour ! Bientôt il y aura une barrière, sinon entre nos âmes, du moins entre nos caresses. Vous ne pensez pas à tout cela vous, mon cher petit indifférent, mais moi qui vous aime plus que de toute mon âme, j’y pense pour vous et je vous prie de venir bien vite.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16345, f. 297-298
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette
28 juin [1841], lundi soir, 5 h. ¼
Depuis toi, mon adoré, j’ai eu la blanchisseuse de qui j’ai reçu et à qui j’ai donné le linge blanc et sale. Je suis très contrariée de ce surcroît d’embarras et d’ennui qui t’arrive par la mort de ce hideux notaire. Tu n’avais pas, je pourrais même dire, nous n’avions pas besoin de ce nouvel incident pour ne savoir où donner de la tête. Je ne sais vraiment pas comment tu pourras faire face à tant d’embarras de toutes sortes qui s’accumulent et se pressent d’une manière effrayante. Si je tenais cette vieille coquine de marâtre je lui ferais passer un fichu quart d’heure comme elle n’en aurait jamais vu de sa vie ni de ses jours. Quelle immonde créature, quel affreux monstre ! Si je la tenais je lui arracherais tous ses vieux cheveux. Mais toute cette belle colère ne nous avance pas à grand-chose et je ne sais vraiment pas comment nous ferons toi et moi car j’ai encore plus besoin de ton repos que toi-même [1]. Pauvre ange bien-aimé, pourquoi ne sommes-nous pas aussi riches que tu es beau, noble et généreux, ce serait charmant et nous n’aurions rien à envier à Dieu lui-même. Je t’aime.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16345, f. 299-300
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette