6 mai [1841], jeudi après-midi, 2 h.
Certainement mon cher scélérat que je m’inquiète du sort de votre bonne. Il faudra même que d’ici à ce soir vous me la représentiez saine et sauvea, et encore ne serai-je pas suffisamment éclairée sur ce qu’elle est devenue pendant trois jours qu’elle a disparu. Je ne suis pas une [COLETTE ? LOLETTE ?] moi [1], je n’ai pas besoin que vous me fassiez pousser des cornes d’abondance sur mon chef-lieu dont je les ai bannies à perpétuité. Sur ce, vous aurez à m’expliquer ce nouveau genre auquel vous vous adonnez depuis quelques jours et si cela ne me satisfait pas entièrement vous aurez des coups. En attendant, tenez-vous sur vos gardes car je vous préviens que je monterai la mienne dans vos parages et que si je découvre la moindre trace de trahison je vous tue.
Mon Dieu qu’ilb fait beau et comme vous m’aviez bien promis de me faire sortir et de me mener dîner au cabaret dès qu’il ferait un temps ravissant ! Hélas toutes vos promesses sont un peu la promesse de JULIETTE style de programme et du Corsaire [2], c’est-à-dire qu’il n’y a pas un mot de vrai. Tout ceci n’est pas neuf mais n’est pas consolant et j’aimerais mieux courir par monts et par vaux avec vous que de bêler des plaintes et des doléances depuis un bout de l’année jusqu’à l’autre sans résultat aucun que celui de vous embêter au suprême degré. Baisez-moi, vilain monstre, et tâchez de ne plus vous enrhumer davantage, c’est bien assez comme ça, c’est même beaucoup trop.
Je vous aime vous, entendez-vous ça, je vous aime, je vous aime et je vous aime.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16345, f. 127-128
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette
a) « sauf ».
b) « qui ».