Bruxelles, 14 août [18]67, mercredi, 9 h. du m[atin]
Je vais bien, mon adoré bien-aimé, et je suis prête à recommencer la bonne petite partie d’hier, tel est mon entrain ce matin. Quels excellents et ravissants enfants tu as, mon grand bien-aimé. On ne peut rien leur souhaiter puisque tu leur as tout donné et que leur mère les a comblés, comme par surcroît, de toute sa beauté et de toute sa bonté. Le charme et la douceur pénétrante de ta jolie petite bru complète adorablement ton merveilleux groupe de famille. J’en ai le cœur encore tout remué depuis hier. Il est bien regrettable que ta pauvre femme n’ait pas pu venir hier. Je suis sûre, soleil à part, que l’endroit lui aurait plu comme séjour tranquille, bienfaisant pour ses yeux et charmant de tout point. Le soleil, on l’a partout. Il suffit de l’éviter en choisissant ses heures. Et quel endroit poétique que cette abbaye de Villers [1] ! Il n’est pas jusqu’au souvenir de la pauvre flore qui ne s’ajoute encore à la douceur mélancolique de cette vaste ruine.
Comme tu as été adorablement bon hier en embaumanta la mémoire de cette modeste et charmante jeune fille [2] ! Elle méritait cet honneur. Tu le lui as donné. Sois béni par elle et par moi. Sois béni, sois béni. Je t’adore.
BnF, Mss, NAF 16388, f. 217
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette
a) « en embeaumant ».